À 60 ans, Maïmouna Ba a inventé une machine révolutionnaire : le Déshydrateur Alimentaire AP, un appareil « made in Côte d’Ivoire » qui permet de sécher et déshydrater les produits alimentaires avec une faible consommation d’électricité. Conçue pour le séchage des produits agricoles tels que les fruits et légumes, son inventrice a remporté un prix au Salon Innova 2022 et est aujourd’hui produite par son entreprise, Seneve Solutions. Dans cet entretien publié sur le compte officiel de l’Organisation Non Gouvernementale IYF, le 23 août 2025, elle est revenue sur les origines de son projet, ses difficultés, ses motivations et a profité pour donner un message à la jeunesse.
SS-Pouvez-vous nous expliquer comment est née l’idée de votre invention ?
MB : Tout a commencé avec l’ONG IYF qui m’a demandé de m’intéresser à la culture du moringa. Comme vous le savez, cette plante ne peut pas être séchée au soleil, mais uniquement à l’ombre. J’habitais alors dans une cour où j’ai eu la permission de planter quelques pieds. Une fois poussés, le problème du séchage s’est posé. C’est ainsi que l’idée du déshydrateur est née, renforcée par les enseignements que j’avais reçus : derrière chaque problème comme on le dit se cache une solution. J’ai cherché à me procurer une machine de déshydratation sur le marché, mais elles étaient inaccessibles et trop coûteuses. N’ayant pas les moyens, je devais absolument trouver une solution par moi-même.
SS-Qu’est-ce qui vous a motivée à aller plus loin et à partager cette invention avec d’autres personnes ?
MB : Dans mon cœur, je savais que j’avais trouvé quelque chose de bon. En tant que transformatrice dans l’âme, je voulais que de nombreuses personnes puissent en profiter. J’ai toujours observé que dans le domaine de la transformation agroalimentaire, le séchage posait énormément de problèmes : on voyait souvent des femmes sécher leurs produits à même le sol, exposés aux mouches et à la poussière. J’ai compris qu’il fallait trouver une solution durable et accessible.
SS-Quels obstacles avez-vous rencontrés pour concrétiser ce projet ?
MB : Depuis 2019, les choses n’ont pas été faciles. Il fallait trouver des fonds pour développer et faire connaître la machine à grande échelle. Ce n’est qu’au début de 2024, grâce au président des inventeurs de Côte d’Ivoire qui m’a mise en relation avec une agence, qu’un film a été réalisé sur mon travail. Sa diffusion sur les réseaux sociaux a permis de donner de la visibilité à mon invention et d’attirer l’intérêt de nombreuses personnes.
SS-Avez-vous bénéficié de soutiens particuliers dans cette initiative ?
MB : Oui, mon mentor au sein de l’ONG IYF m’a toujours accompagnée. Il m’a encouragée à ne pas me décourager, à attendre « le temps de Dieu » et à persévérer. Ses conseils m’ont aidée à franchir chaque étape avec confiance.
SS-Qu’a changé cette invention dans votre vie personnelle et professionnelle ?
MB : Grâce à cette machine, je suis devenue cheffe d’entreprise. Je me suis structurée rapidement. Alors que de nombreuses personnes passent leur retraite à se reposer, je suis active, occupée et heureuse. L’ONG nous a enseignée que la jeunesse commence à 70 ans. J’en ai 60, cela veut dire que je n’ai pas encore commencé ! Cette mentalité d’espoir et de persévérance m’anime au quotidien.
SS-Selon vous, quel rôle joue le séchage dans l’agriculture et l’économie ivoirienne ?
MB : Le séchage est essentiel dans la transformation des produits agricoles. La Côte d’Ivoire est un pays agricole, mais si nous ne transformons pas nos produits, nous sommes obligés de les vendre bruts, ce qui les rend périssables et entraîne beaucoup de pertes. Les statistiques montrent que nous perdons chaque année plus de 40 % de nos denrées alimentaires. La déshydratation permet de conserver plus longtemps et de réduire ces pertes. Autour du séchage, il existe des milliers de projets à développer.
Auguste Beugré