Science

Archéologie : une découverte des traces d'Homo sapiens vieilles de 150 000 ans dévoile l'histoire cachée de la Côte d'Ivoire

Archéologie : une découverte des traces d'Homo sapiens vieilles de 150 000 ans dévoile l'histoire cachée de la Côte d'Ivoire

C'est un secret enfoui sous des couches de terre qui refait surface. À Abidjan, dans le quartier d'Anyama, une équipe internationale d'archéologues et d'anthropologues a révélé dans une récente étude, l'existence de traces d'Homo sapiens datant de 150 000 ans, redéfinissant ainsi l'histoire de l'humanité en Afrique de l'Ouest, selon une information de AFP. Ce site, désormais reconnu comme la plus ancienne présence humaine dans une forêt tropicale, remet en question les anciennes perceptions de l'évolution de notre espèce.

                            -----------------------------------------------------------------------------

L'Ivoirien François Guédé Yiodé, pionnier de ces fouilles, se souvient des premiers jours de l'exploration archéologique dans les années 1980. C'est grâce à l'aide d'un géologue qu'il a débuté ses recherches sur le terrain d'un particulier, à Anyama. Au fil des années, il a mis au jour des outils de pierre datant du Pléistocène, une période clé du Paléolithique. Ces découvertes, désormais confirmées par des analyses en Allemagne, ont permis de dater les vestiges à environ 150 000 ans.

Forêt tropicale 

Des outils taillés dans du silex, du quartz et d'autres pierres dures témoignent des premières pratiques humaines dans cette forêt tropicale. Des "choppers", des instruments avec des bords tranchants, servaient à dépecer des animaux, tandis que des pics en silex étaient utilisés pour fendre des matériaux. Selon les chercheurs, ces découvertes remettent en question l'idée selon laquelle les forêts 

africaines étaient un obstacle insurmontable pour l'Homo sapiens. La publication de ces résultats dans la prestigieuse revue scientifique Nature marque une étape majeure dans l'histoire de la préhistoire humaine. Avant cette découverte, les traces d'Homo sapiens les plus anciennes dans des environnements tropicaux remontaient à 70 000 ans, principalement en Asie et en Océanie. Cette nouvelle trouvaille ouvre des perspectives inédites sur les migrations et l'adaptation de l'Homme aux divers biomes d'Afrique.

Origines humaines

Les recherches menées par Guédé Yiodé et ses collègues visent à renforcer la place de l'Afrique dans l'étude des origines humaines. "L'Afrique a toujours été le berceau de l'humanité, mais cette découverte permet de démontrer que l'Homo sapiens était déjà bien établi dans des environnements tropicaux bien plus tôt qu'on ne le pensait", explique-t-il.

Dans les rues animées d'Anyama, les habitants prennent peu à peu conscience de l'importance historique de leur quartier. Ruth Fabiola Agoua, une jeune commerçante, exprime son intérêt pour ces découvertes : "C'est important de connaître notre histoire. On ne peut pas avancer sans comprendre d'où l'on vient". En revanche, Basile Sawadogo, un vigile du quartier, semble plus préoccupé par les défis du quotidien : "On vit dans le présent", lâche-t-il en se rendant à son travail. La découverte d'Anyama a également soulevé des questions sur la protection des sites archéologiques dans le pays. Guédé Yiodé, qui a consacré sa vie à ces fouilles, déplore le manque de soutien institutionnel. Après des années de travail acharné, souvent financé de sa poche, l'archéologue regrette que l'État ivoirien n'ait pas pris les mesures nécessaires pour préserver les sites. L'un des lieux de fouilles a même été détruit par des personnes prétendant en être propriétaires, le transformant en carrière.

La situation actuelle de l'archéologie en Côte d'Ivoire est difficile, notamment en raison d'un manque de moyens, de matériel et de spécialistes. Eugénie Affoua Kouamé, chercheuse à l'Institut d'Histoire, d'Art et d'Archéologie Africains (IHAAA), souligne que malgré les progrès réalisés ces dernières années, l'archéologie reste une "science lente", freinée par un manque de financement et d'infrastructures.

En dépit de ces défis, l'étude publiée dans Nature pourrait encourager les jeunes générations à se tourner vers les métiers de l'archéologie et de l'anthropologie. Akissi Diane Guebié, étudiante en licence d'anthropologie, espère que cette publication suscitera davantage d'intérêt pour ces disciplines en Côte d'Ivoire.

Pour François Guédé Yiodé, ces découvertes ne sont qu'un début. Il continue de rêver d'un avenir où la richesse archéologique de son pays serait davantage reconnue et protégée. "Il est important que les gens comprennent que notre histoire est précieuse", soutient-il, en énumérant les nombreux sites en Côte d'Ivoire encore à explorer. À Abidjan, au cœur même de l'urbanisation galopante, le passé humain s'offre à la lumière des fouilles. Une invitation à redécouvrir l'histoire oubliée d'une humanité ancienne, en harmonie avec la nature.

Fabrice NOUZIANYOVO

Articles Similaires