Face à des défis environnementaux croissants comme la pollution des eaux par l’orpaillage, l’usage excessif d’engrais ou encore le drainage minier, le Mali est confronté à l’urgence de former une jeunesse consciente et outillée pour répondre aux enjeux du développement durable. Une étude inédite menée par Sidi Mohamed Tounkara, chercheur au Département de physique et chimie à l’École Normale Supérieure de Bamako, met en lumière les obstacles et leviers pour intégrer efficacement l’Éducation au Développement Durable (EDD) dans l’enseignement de la chimie au secondaire.
Bien que la population malienne soit consciente de la gravité des problèmes environnementaux qui l’entourent, les moyens pour les résoudre restent limités. L'UNESCO encourage pourtant depuis plusieurs années l’intégration de l’EDD dans les systèmes éducatifs. Le Mali à travers son curriculum basé sur l’Approche Par Compétences (APC), tente de répondre à cet appel. Mais sur le terrain, les applications concrètes restent faibles, notamment dans l’enseignement de la chimie.
Rôle central dans l’analyse des polluants…
La chimie joue un rôle central dans l’analyse des polluants, la compréhension de leurs effets sur l’environnement et l’élaboration de solutions de dépollution. Pourtant, les programmes scolaires maliens abordent rarement ces questions sous un angle localisé et pertinent pour les élèves. Or, les problématiques environnementales du Mali, comme l’orpaillage dans les rivières ou l’usage d’engrais agricoles sont directement liées à des processus physico-chimiques.
L’étude de Sidi Mohamed Tounkara repose sur une enquête menée auprès de 930 élèves du fondamental et du secondaire, ainsi que cinq enseignants des Instituts de Formation des Maîtres (IFM).
Les résultats révèlent des lacunes importantes dans la compréhension des enjeux environnementaux, mais aussi une volonté d’intégrer l’EDD chez les enseignants, notamment à travers la méthode de problématisation qui consiste à introduire les savoirs scientifiques à partir de problèmes concrets liés au quotidien des élèves.
Vers une didactique contextualisée
Les leviers sont de trois ordres : des enseignants formés et ouverts à l’innovation pédagogique ; l’existence d’un curriculum favorable à l’intégration de l’EDD via l’APC et l’intérêt manifeste des élèves pour des problématiques environnementales locales. En ce qui concerne les obstacles, nous notons le manque de ressources pédagogiques adaptées au contexte malien ; faible intégration des problématiques locales dans les manuels ou supports et l’Insuffisance de la formation initiale et continue des enseignants sur ces thématiques.
En réponse à ces constats, l’étude propose deux situations-problèmes didactiques ancrées dans des réalités maliennes, permettant aux élèves de mobiliser leurs connaissances en chimie pour analyser et résoudre des problèmes environnementaux concrets. Cela ouvre la voie à une transposition didactique plus efficace de l’EDD dans les cours de chimie en phase avec les réalités socio-économiques du pays.
Le travail de Sidi Mohamed Tounkara appelle à renforcer la formation des enseignants et à réviser les contenus pédagogiques pour y intégrer davantage de problématiques locales. Il invite également la communauté scientifique et éducative à poursuivre les recherches sur cette thématique essentielle pour l’avenir du pays. « Former les jeunes à comprendre et agir sur leur environnement, c’est leur donner les clés pour bâtir un Mali durable », conclut le chercheur.
Référence :
Tounkara, Sidi Mohamed. Intégration de l’Éducation au Développement Durable dans les Cours de Chimie : Leviers et Obstacles dans l’Enseignement Secondaire au Mali, Journal Scientifique Européen, Vol. 20, No. 26 (2024).
Fabrice Nouzianyovo
