Alors que le monde s’engage dans la voie du développement durable, un paradoxe persiste : la surexploitation des ressources naturelles. En Côte d’Ivoire, cette tension est particulièrement visible dans l’aire culturelle Gour où le néré, un arbre aux mille vertus joue un rôle central dans la vie des communautés locales. Une récente étude menée par des chercheurs de l’Université Jean Lorougnon Guédé met en lumière la valeur sociale, économique et écologique d’un arbre emblématique menacé par la surexploitation : le néré et les menaces auxquels il est exposé.
Valeur sociale de cet arbre millénaire des traditions Gour ou Gur
Appelé dôgô, solo, doun, nadigué ou encore ninguin selon les langues locales, le néré est bien plus qu’un simple arbre pour les peuples Gour ou Gur(terme linguistique). Dans un article publié en mars 2023 dans les colonnes du Journal Scientifique Européen, Vincent Kobenan Appia, Didié Armand Zadou et Kouadio Henry Kouassi soulignent l’exceptionnelle valeur sociale de cet arbre millénaire.
Grâce à une approche qualitative mêlant entretiens, observations et recherches documentaires, les auteurs dévoilent un ensemble de savoirs traditionnels liés au néré : usages nutritionnels, vertus thérapeutiques, mais aussi pratiques culturelles et religieuses. Le néré est consommé sous différentes formes, notamment l’épice et utilisé pour soigner des maladies. Il est également au cœur de cérémonies et d’interdits sociaux qui participent à sa préservation.
Véritable richesse économique
Au-delà de son rôle culturel, l’arbre du néré représente une véritable richesse économique. Ses produits graines, pulpe, feuilles sont vendus sur les marchés locaux, assurant des revenus à de nombreuses familles. Sur le plan écologique, il joue un rôle de fertilisant naturel en enrichissant les sols, un atout non négligeable dans les pratiques agroforestières durables. Mais ce capital social et environnemental est aujourd’hui menacé par la déforestation, la pression foncière et l’ignorance croissante des traditions de gestion coutumière. L’étude met ainsi en lumière les mécanismes sociaux comme les interdits et les rites d’adoration qui, autrefois, assuraient une forme de gestion communautaire durable du néré.
Revalorisation des filières agroforestières
Dans un contexte de crise environnementale, les chercheurs appellent à une revalorisation des filières agroforestières, en misant sur les connaissances endogènes et les pratiques traditionnelles. Le néré pourrait ainsi devenir un pilier des politiques de développement durable en Côte d’Ivoire, à condition que son importance sociale soit reconnue à sa juste valeur. Cette étude met en évidence une leçon essentielle : préserver le néré, c’est préserver un pan entier de la culture Gour, tout en contribuant à l’équilibre écologique et au bien-être des communautés rurales.
Néré : arbre à forte valeur sociale…
Le néré est un arbre à forte valeur sociale, économique, nutritionnelle et écologique. Il est au cœur des pratiques culturelles et des savoirs traditionnels des peuples Gour. Des pratiques ancestrales de gestion durable, aujourd’hui menacées, méritent d’être réhabilitées. Une meilleure prise en compte de ces ressources pourrait renforcer les politiques de développement durable dans le pays.
En Côte d'Ivoire, les peuples du groupe « Gour » se situent principalement dans le Nord et Nord-est du pays
Fabrice Nouzianyovo