Science et Société

Fleuve Niger, une ressource naturelle menacée par les activités humaines

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Le constat a de quoi choquer, la situation a de quoi alarmer. Mais c’est la réalité du spectacle désolant de la pollution à laquelle nous assistons sur le Fleuve Niger (Joliba) au Mali. Ce précieux cours d’eau, qui nourrit le Mali et une bonne partie de l’Afrique depuis des siècles, est aujourd’hui ravagé par toutes sortes de pollution. Quelles sont les conséquences directes sur la santé des hommes et des animaux ? Et que faire pour limiter cette dévastation du Joliba?

Les causes de la pollution du Joliba

Soit ce sont les hôtels, les usines et les industries qui déversent leurs déchets dangereux et leurs produits chimiques dans le Joliba. Soit ce sont les abattoirs qui y évacuent toutes leur saleté. Soit ce sont les ramasseurs d’ordures qui prennent l’habitude de faire du fleuve leur dépotoir préféré, sans oublier tous ces citoyens sans respect pour l’environnement et qui jettent tout et n’importe quoi par-dessus les ponts : bouteilles, boîtes en tous genres, poubelle, préservatifs, peaux d’animaux, carcasses d’animaux etc. Il y a aussi… et c’est peut-être là le plus dangereux ! les chercheurs d’or qui, du sud à l’ouest du Mali, versent dans cette ressource naturelle tous types de produits tels que le mercure.

Le Fleuve Niger subit ainsi mille et une pollutions, d’année en année. Et, chose inquiétante, rien ne semble pouvoir arrêter cette situation dramatique qui tue non seulement l’environnement mais aussi les hommes qui vivent dans cet environnement. L’agent K, appartenant au corps de la gendarmerie nationale, nous a fait une confidence sous couvert d’anonymat : « La Brigade fluviale, qui relève de la Gendarmerie nationale, reçoit régulièrement de multiples plaintes contre des groupes d’orpailleurs clandestins qui installent parfois des engins de dragage sur le fleuve. Et c’est à Bamako, figurez-vous ! Selon ces moyens limités, la brigade dépêche une de ses vedettes pour aller dresser le constat. » il renchérit en disant : « Souvent, les gendarmes arrivent à temps. Une fois, il y a deux ans, nous avons même arrêté quelques orpailleurs clandestins. Mais, le plus difficile, c’est que ces individus opèrent la nuit, et à des heures très tardives. Ce qui rend compliquée l’intervention des agents de la brigade fluviale », nous a-t-il fait savoir.

Pour l’officier, les autorités et les ONG de veille font de leur mieux. Mais avec des moyens peu élevés et la vaste étendue du fleuve rien que le long de Bamako, reconnaît-il, « il est très difficile de tout contrôler et d’intervenir à temps pour empêcher les orpailleurs clandestins d’agir contre la loi. » Pour qui connaît les produits dangereux qu’on utilise pour chercher l’or dans le fleuve, ces explications de l’agent de gendarmerie ont de quoi alerter tous les Bamakois et tous les Maliens. Les orpailleurs ne sont pas les seuls pollueurs du Joliba. On l’a déjà dit. Il y a d’autres comme les usines. Oui, certaines usines déversent en cachette leurs déchets chimiques dans le fleuve. C’est aussi le cas des hôtels. Nous avons été au bord du fleuve, vers Missabougou, Titibougou, Moribabougou et au cœur du quartier appelé la Cité du Niger à Bamako. Ici et là, nous avons été témoin(s) d’un spectacle qui fait peur. Nous avons vu que des hôtels avaient fait en sorte d’installer des tuyaux d’évacuation dont la bouche ouvrait directement sur le fleuve. Quelles sortes de liquide proviennent de ces tuyaux ? Nous avons voulu le savoir mais aucun responsable d’hôtel ou d’usine n’a voulu nous répondre.

Baba Dabo, un boucher qui a travaillé un temps à l’abattoir frigorifique de Bamako, lui, nous a confié que les déchets liquides de l’abattoir, c’est-à-dire le sang lavé des animaux tués », se déverse directement dans le fleuve par un tuyau géant. Dabo ajoute ceci : « C’est normal ! Puisque, pour ne pas rendre les consommateurs de viande malades, la grande salle où des centaines d’animaux sont égorgés et dépecés tous les jours, cette salle est lavée par des machines à chaque heure ou deux heures. »

Fleuve niger
Fleuve niger

Les conséquences de la pollution sur les hommes et les animaux

Sang lavé, mercure, eaux de WC, eaux usées provenant des caniveaux, déchets chimiques des usines, ordures en tous genres, carcasses d’animaux, le fleuve Niger reçoit tout cela chaque jour pour ne pas dire chaque seconde de chaque jour. Mais est-ce que les Maliens sont conscients du grand danger que cette pollution du fleuve présente pour les hommes et les animaux ? Quelles peuvent être les effets nuisibles sur la santé humaine et animale ? Pour trouver réponses à ces -questions, nous avons été auprès du Prof Sidi Ba, Enseignant-Chercheur à ENI-ABT et spécialiste des questions liées au Fleuve Niger. Le premier effet nuisible de la consommation de l’eau d’un fleuve pollué sur la santé de l’homme, est « l’impact digestif », aux dires du spécialiste. « En plus des problèmes digestifs comme le choléra, la dysenterie, l’eau polluée transmet aussi beaucoup de maladies telles que la filariose, la bilharziose et l’onchocercose, la poliomyélite. L’eau souillée est source de causes infectieuses », a-t-il expliqué.

Appel au respect de l’environnement

Prof Sidi Ba lance un appel au respect de l’environnement. « Le plus important, c’est surtout l’assainissement et la gestion des déchets afin qu’ils ne soient pas systématiquement déversés dans le fleuve. Sans une politique stricte de gestion des déchets par les autorités, la santé de nos concitoyens, est en danger à cause de l’eau », insiste-t-il.

Nous avons échangé avec les membres de l'”Association Sauvons le fleuve Niger-ASFN-“. Eux aussi alertent sur la pollution à grande échelle qui touche le fleuve. L’ASFN décrit les conséquences suivantes de cette pollution : « Les conséquences de la pollution d’eau du fleuve se manifestent par la diminution des ressources halieutiques et la dégradation de la santé des populations par la prolifération des maladies hydriques le long du cours d’eau, qui détériore la qualité de l’eau.

La détérioration de la qualité des eaux du fleuve peut avoir comme conséquences : la prolifération des maladies hydriques comme le choléra, la bilharziose, etc.; la prolifération des plantes aquatiques envahissantes; la difficulté de reproduction et de survie de la faune aquatique; l’inutilisation de l’eau du fleuve pour l’agriculture et l’abreuvement des animaux; le coût élevé du processus de traitement des eaux du fleuve pour les besoins de consommation. » Et le bureau de coordination de l’ASFN de parler avec des mots qui laissent voir plus fortement la peur de l’avenir: « Dans les conditions de forte croissance démographique, de pauvreté, de faible pouvoir d’achat des populations, et en l’absence de mesures adéquates, cette tendance à la pollution du fleuve devrait continuer à s’accentuer dans les années à venir, avec des conséquences négatives sur la santé et le bien-être des populations. »

Que faire alors pour freiner la pollution ?

L’ASFN insiste sur le fait de mettre en pratique les lois que le Mali a adoptées pour protéger le fleuve Niger et pour contrecarrer la pollution. Des lois que nous rappelons dans l’encadré ci-dessous. En attendant, il faut que des campagnes de sensibilisation soient menées sur la durée pour encourager les Maliens à comprendre que polluer le Joliba, c’est mettre notre santé collective et individuelle en danger.

Fabrice Nouzianyovo

La loi N°01-020 du 30 mai 2001 relative aux pollutions et nuisances qui fixent les principes fondamentaux du contrôle des pollutions et nuisances;

La loi N°91-017/AN-RM du 27 février 1991 fixant le régime des eaux. Elle stipule dans son article 21 que “sont interdits les déversements directs ou indirects des eaux usées dans les eaux du domaine public et qui sont susceptibles de porter atteinte au milieu naturel, à la santé publique, à celle des animaux et des plantes, à la flore et à la faune aquatique » ;

Le décret N°01-395/PRM du 6 septembre 2001 portant modalités de gestion des eaux usées et des égouts. Les eaux usées engendrées par des travaux artisanaux, industriels et miniers doivent être obligatoirement traitées avant déversement de façon à éviter la pollution des eaux de surface et des eaux souterraines

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