Une épice naturelle et traditionnelle d'Afrique de l'Ouest faite à base de graines fermentées du fruit de l'arbre néré. Le soumbala séduit autant par ses qualités nutritionnelles que par son potentiel économique. Entre savoir-faire ancestral et enjeux de santé publique, lumière sur un produit qui mérite d’être revalorisé.
Sur les étals des marchés maliens, une odeur reconnaissable entre mille attire l’attention : celle du soumbala. Cette épice brune, granuleuse et fermentée, issue des graines de l’arbre de néré (Parkia biglobosa), accompagne les plats traditionnels comme la sauce de feuilles ou la soupe. Mais derrière ce goût fort et ces arômes puissants se cache un véritable allié de santé et un moteur économique pour de nombreuses femmes en milieu rural.
Ce produit est reconnu pour ses effets bénéfiques sur la santé, notamment grâce à ses propriétés hypotensives naturelles qui contribuent à prévenir et à contrôler l’hypertension artérielle. De plus, il agit comme un excellent tonifiant, ce qui en fait un allié de choix pour lutter contre la fatigue. Par ailleurs, il renforcerait le système immunitaire, aidant ainsi l’organisme à se défendre contre diverses maladies, telles que l’anémie ou des cancers.
En outre, sa richesse en potassium soutient le bon fonctionnement du cœur, des muscles et des reins. Le soumbala participe également à l’équilibre du système nerveux et au bon fonctionnement du cerveau, ce qui en fait un atout global pour le maintien de la santé.
Exhausteur de goût
Longtemps cantonné à son rôle d’exhausteur de goût, le soumbala est aujourd’hui étudié par les scientifiques. Riche en protéines (36,5 g/100 g), en lipides (28,8 g) et très calorique (≈ 432 kcal/100 g), il constitue une source énergétique précieuse, notamment dans les zones où les protéines animales sont rares ou coûteuses. Autre atout majeur : sa teneur en fer, exceptionnellement élevée (≈ 378 mg/100 g), un atout dans la lutte contre l’anémie.
Le soumbala contient également des vitamines B (B1, B2, PP), de la vitamine C, ainsi que des minéraux essentiels comme le calcium, le phosphore et l’iode. Un cocktail qui, selon les experts, soutient le système immunitaire, le métabolisme et la santé osseuse. « Le soumbala est souvent sous-estimé, alors qu’il est un complément nutritionnel de qualité », explique Dr Aïssata Traoré, une nutritionniste, à Bamako. Et d’ajouter : « La fermentation traditionnelle qu’il subit réduit certains anti-nutriments, ce qui améliore l’absorption du fer et la digestibilité des protéines. »
« Les plats sont plus nourrissants, et les enfants tombent moins malades »
Au-delà des apports nutritifs, la fermentation du soumbala génère aussi des micro-organismes bénéfiques. Des souches de Bacillus spp., identifiées dans le soumbala burkinabè, présentent des propriétés probiotiques, avec une résistance à l’acidité gastrique et une activité antimicrobienne contre certains pathogènes. Des études prometteuses évoquent une amélioration de la santé intestinale et du système immunitaire.
A Ouélessébougou (région de Bougouni), Awa Diarra fabrique du soumbala depuis plusieurs années. Pour elle, ce savoir-faire ancestral est aussi une responsabilité sociale. « J’ai l’impression de contribuer à la santé de nos enfants. Les plats sont plus nourrissants, et les enfants tombent moins malades », confie-t-elle. À Bamako, Kadidiatou Diakité vante les effets digestifs de l’épice : « Mon mari était réticent à cause de l’odeur, mais depuis qu’il a compris les bienfaits, il est satisfait. Je me sens mieux, moins ballonnée. ». Dans la région de Sikasso, Mariama Coulibaly, membre de l’association des femmes « Benkadi », souligne l’impact économique. « Grâce à la vente de soumbala, on peut payer l’école des enfants ou acheter des médicaments. Les formations nous ont aussi appris l’importance de l’hygiène, ce qui améliore la qualité. », soutient-elle.
Risques de contamination
Malgré ses qualités, le soumbala n’échappe pas à plusieurs défis. La production artisanale, souvent réalisée sans équipements adaptés, expose le produit à des risques de contamination. L’absence de standardisation rend aussi difficile sa conservation et sa commercialisation à grande échelle.
Des initiatives locales émergent pourtant. Des coopératives rurales bénéficient de formations pour améliorer les conditions de fermentation et de séchage ou encore utiliser des ferments sélectionnés. L’objectif : garantir une meilleure hygiène, une qualité constante, et répondre aux attentes de consommateurs parfois rebutés par l’odeur ou l’aspect du produit. « Les conditions de fermentation, de séchage et de stockage influencent beaucoup sa qualité, et des contaminations microbiennes sont possibles si on ne respecte pas des normes de propreté. » explique Dr Aïssata Traoré, recommandant une hygiène stricte dans la production du soumbala.
Solution locale, accessible et durable
Dans un contexte où la malnutrition infantile et les carences en fer restent des enjeux majeurs de santé publique, le soumbala offre une solution locale, accessible et durable. Son intégration renforcée dans les régimes alimentaires, couplée à une valorisation de la filière, pourrait faire du soumbala un levier de sécurité alimentaire et un symbole de résilience féminine. Alors que les produits industriels occupent une place croissante dans les assiettes urbaines, le soumbala rappelle que les traditions culinaires peuvent aussi être des vecteurs d’innovation nutritionnelle et économique.
Encadré : Quelques chiffres clés sur le soumbala (pour 100 g)
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Calories : ≈ 432 kcal
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Protéines : ≈ 36,5 g
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Lipides : ≈ 28,8 g
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Fer : ≈ 378 mg
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Présence confirmée de vitamines B, C, calcium, phosphore, iode
Fabrice Nouzianyovo
Sources : EUJournal.org, Maliweb, BioMed Central, revuesciences-techniquesburkina.org, entretiens terrain.