Bamako, le samedi 29 novembre 2025(SS)-Le briefing hebdomadaire de l’Africa CDC du 27 novembre 2025 dresse un panorama à la fois préoccupant et révélateur de l’état de la sécurité sanitaire sur le continent. Alors que plusieurs crises épidémiques se superposent : Mpox, choléra, fièvre de la Vallée du Rift (RVF), maladie à virus Marburg (MVD) et épidémies récurrentes de rougeole, l’Africa CDC rappelle que l’Afrique reste confrontée à un double défi : répondre à l’urgence tout en consolidant une souveraineté sanitaire durable.
Mpox : le virus continue d’affecter plusieurs pays africains
Le virus de la Mpox continue d’affecter plusieurs pays africains. Contrairement à la médiatisation internationale centrée sur les flambées hors du continent, l’Afrique porte la charge la plus lourde en termes de transmission communautaire, hospitalisations et décès. Les données consolidées par Africa CDC indiquent une propagation toujours active, notamment en Afrique centrale et orientale.
Cette tendance s’explique par plusieurs facteurs structurels : faibles capacités diagnostiques dans les zones rurales, manque de vaccins ciblés, mobilité transfrontalière, et faible sensibilisation au niveau communautaire. L’agence souligne la nécessité de renforcer la surveillance intégrée, en particulier dans les districts frontaliers, où les mouvements de populations compliquent la notification et le suivi des cas.
Choléra : « passer d’une réponse réactive à une prévention structurelle »
Le choléra reste l’une des crises les plus emblématiques de la vulnérabilité sanitaire africaine. Le briefing révèle une recrudescence importante dans plusieurs pays côtiers et riverains, notamment à la suite d’inondations et de perturbations climatiques extrêmes. Les flambées actuelles mettent en lumière un problème chronique : l’accès limité à l’eau potable, à l’assainissement et à l’hygiène (WASH).
Plusieurs localités touchées continuent de dépendre de puits non sécurisés ou de sources d’eau contaminées. Dans certains pays, les stocks de vaccins oraux sont insuffisants, obligeant les autorités à prioriser les zones les plus critiques. Pour l’Africa CDC, la lutte contre le choléra ne peut plus reposer uniquement sur des campagnes d’urgence. Il est impératif de « passer d’une réponse réactive à une prévention structurelle », axée sur la résilience climatique, l’assainissement durable et l’éducation communautaire.
Marburg, RVF et rougeole : des flambées qui rappellent des menaces anciennes
L’analyse épidémiologique du briefing met également en évidence des flambées actives de la maladie à virus Marburg, de la fièvre de la Vallée du Rift, ainsi que des épisodes persistants de rougeole.
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La MVD, hautement létale, révèle les limites matérielles des structures de soins en zones reculées : absence d’équipement de protection individuelle, délais diagnostiques et manque de capacités d’isolement.
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La RVF, quant à elle, reflète les vulnérabilités du lien santé humaine–santé animale–environnement (One Health). Les éleveurs et les agriculteurs demeurent en première ligne, souvent sans accès aux informations de prévention.
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La rougeole, maladie pourtant vaccin-preventable, continue de faire des ravages dans des communautés à faible couverture vaccinale, conséquence des ruptures de supply chain et des hésitations vaccinales post-COVID.
Ces foyers rappellent que, malgré les progrès réalisés, plusieurs pathogènes historiques continuent de représenter une menace réelle.
Financement : le Pandemic Fund et la question de la souveraineté sanitaire
L’un des segments clés du briefing porte sur les financements internationaux, notamment le Pandemic Fund, désormais considéré comme un levier majeur pour soutenir les capacités nationales de préparation et de réponse.
L’Africa CDC insiste cependant sur un principe fondamental : le financement international doit renforcer et non substituer la souveraineté sanitaire africaine.
Cela signifie que les pays doivent être en mesure de :
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produire leurs propres vaccins et équipements médicaux,
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disposer de chaînes d’approvisionnement résilientes,
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assurer une formation continue du personnel de santé,
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bâtir des systèmes de surveillance robustes, interopérables et numériques,
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et ancrer la prévention dans les communautés.
Le briefing souligne également l’importance de créer des instruments financiers africains pour compléter les fonds mondiaux, afin d’éviter une dépendance systémique.
Plusieurs avancées majeures
Malgré les défis, l’analyse de l’Africa CDC met en avant plusieurs avancées majeures :
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les Instituts Nationaux de Santé Publique (NPHI) sont plus fonctionnels et mieux coordonnés qu’il y a cinq ans ;
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la plateforme continentale « Surveillance numérique » permet désormais d’agréger en temps réel les données de plus de 40 États membres ;
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des progrès significatifs sont observés dans la production africaine de vaccins, notamment en Afrique du Sud, au Sénégal, en Égypte et au Rwanda ;
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la montée en puissance de la force africaine d’intervention d’urgence en santé publique renforce la capacité du continent à déployer rapidement des équipes spécialisées.
Ces avancées majeures démontrent que la souveraineté sanitaire africaine n’est plus un slogan, mais un chantier structuré et actif.
Une gouvernance plus forte, une meilleure coordination régionale…
Le briefing hebdomadaire de l’Africa CDC rappelle que l’Afrique fait face simultanément à des défis multiples : résurgence d’épidémies, pressions climatiques, fragilités des infrastructures sanitaires, et inégalités d’accès aux soins. Mais, il révèle aussi une dynamique nouvelle : une gouvernance plus forte, une meilleure coordination régionale, une volonté réelle de construire un système sanitaire autonome et durable.
Au-delà des urgences actuelles, le message de l’Africa CDC est clair : la santé du continent dépendra de la capacité des États à investir dans la prévention, la préparation, et la souveraineté sanitaire pour que plus jamais une crise ne trouve l’Afrique désarmée.
Par Dr Mazo KONE

