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Nuisances sonores-Dr Paulin Kazadi (médecin Oto-Rhino-Laryngologie) : « Le bruit est un danger souvent sous-estimé, mais ses conséquences peuvent être irréversibles »

Nuisances sonores-Dr Paulin Kazadi (médecin Oto-Rhino-Laryngologie) : « Le bruit est un danger souvent sous-estimé, mais ses conséquences peuvent être irréversibles »

Abidjan, le jeudi 18 décembre 2025(SS)-Les bruits sonores, omniprésents dans la vie quotidienne, représentent une menace croissante pour la santé humaine. Dans cet entretien accordé à Sciences et Société, le mercredi 17 décembre 2025, à Abidjan, Dr Paulin Kazadi, médecin Oto-Rhino-Laryngologie (ORL) au Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Cocody, explique l’impact de ces nuisances sonores sur la santé auditive. Il évoque également des différentes étapes de la prise en charge des troubles de l’audition, du diagnostic à travers des examens spécialisés jusqu’aux solutions thérapeutiques, dont la durée et les coûts en fonction du degré de surdité.

SS : Selon vous, pourquoi la question de la lutte contre les bruits sonores est importante pour la santé humaine ?

Dr Paulin Kazadi : En tant que spécialiste des maladies de l’oreille, du nez et de la gorge, l’oreille joue un rôle essentiel, notamment dans l’audition et l’équilibre. Le bruit a donc un impact direct sur cet organe. Lorsqu’une personne est exposée à des sons dont le niveau dépasse 70 décibels, on considère qu’il s’agit d’un traumatisme sonore. Certes, l’oreille dispose d’un mécanisme de défense naturel, mais au-delà d’un certain seuil, ce mécanisme est dépassé, ce qui peut entraîner des lésions, une baisse de l’audition, voire une surdité.

SS : Quels sont les types de bruits environnementaux qui présentent le plus de risques pour la santé auditive ?

Dr PK : Les sources de bruit sont très variées. Certains travailleurs sont exposés de façon chronique à des bruits intenses dans leur environnement professionnel. Par exemple, les conducteurs de tracteurs, les ouvriers utilisant des machines industrielles, ou encore les personnes travaillant dans des usines de production. D’autres qui travaillent dans des boîtes de nuit, exposées en permanence à des sons musicaux très élevés. Cette exposition répétée finit par avoir un impact important sur l’audition.

SS : Au-delà de l’audition, quels autres effets le bruit peut-il avoir sur la santé ?

Dr PK : Même si je suis avant tout ORL et donc focalisé sur l’oreille, il est bien connu que le bruit agit comme un facteur de stress. Or, le stress a des conséquences sur l’ensemble de l’organisme. L’individu peut avoir des troubles du sommeil, des maladies cardiovasculaires, l’hypertension voire des accidents vasculaires cérébraux. Les traumatismes sonores ne touchent donc pas uniquement l’audition, mais aussi la santé générale.

SS : Existe-t-il des signes précoces qui doivent alerter et pousser à consulter un médecin ORL ?

Dr PK : Oui, tout à fait. Les premiers signes sont souvent l’apparition de bruits dans les oreilles, que nous appelons les acouphènes. Il peut aussi y avoir une diminution progressive de l’audition, appelée hypoacousie. De nombreuses personnes deviennent également très sensibles aux sons, même faibles : c’est l’hyperacousie. Dès l’apparition de ces symptômes, il est important de consulter un médecin ORL.

SS : Au CHU de Cocody, recevez-vous régulièrement des patients pour des problèmes liés au bruit ? Disposez-vous des chiffres précis ?

Dr PK : Oui, nous recevons régulièrement des patients pour des troubles auditifs liés à l’exposition au bruit. En revanche, je ne peux pas avancer de chiffres précis, car cela nécessiterait un travail statistique approfondi. Ce que je peux dire, c’est que ces consultations sont fréquentes et constituent une réelle préoccupation de santé publique.

SS : Quel est le temps de traitement d’un malade en ORL, notamment en cas de troubles auditifs ?

Dr PK : Il n’existe pas de durée standard de traitement en ORL, car tout dépend du cas du patient. Le processus commence toujours par une évaluation approfondie. Nous réalisons d’abord des examens, notamment l’audiométrie, qui permet de mesurer et de quantifier la perte auditive. Grâce à cet examen, nous pouvons déterminer s’il s’agit d’une surdité légère, moyenne ou profonde. Lorsque la perte auditive est importante, elle peut perturber la qualité de vie sociale du patient, ce qui nécessite une prise en charge plus poussée. Le traitement évolue donc en fonction des résultats des examens et de la gravité du trouble.

SS : Quel est le coût des examens et des traitements en ORL, en particulier pour la surdité ?

Dr PK : le coût varie en fonction du type de prise en charge. Les examens comme l’audiométrie restent relativement accessibles. Ils coûtent 5000 CFA. En ce qui concerne le traitement, on commence généralement par les aides auditives, qui sont des appareils permettant d’amplifier les sons, afin que le patient puisse mieux entendre. Les prix varient, selon la qualité de l’appareil auditif. Un appareil auditif peut coûter 200 mille FCFA, 300 mille FCFA, 400 mille FCFA voire un 1 million de FCFA. Cependant, dans les cas de surdité très profonde, les aides auditives peuvent s’avérer inefficaces. On peut alors envisager un implant cochléaire, qui est une intervention chirurgicale. Ce type de traitement est beaucoup plus onéreux et peut coûter autour de 10 millions FCFA. Il existe parfois des subventions ou des mécanismes de prise en charge selon les contrats et les structures, mais de manière générale, les implants cochléaires restent coûteux comparativement aux aides auditives.

SS : Quelles mesures préventives recommandez-vous aux travailleurs et employeurs pour l’audition au quotidien, notamment au travail ?

PK : La meilleure prévention reste l’éviction, c’est-à-dire éviter autant que possible l’exposition au bruit. Mais ce n’est pas toujours facile, surtout pour ceux qui travaillent dans des environnements bruyants. Pour les employeurs, la prévention doit commencer dès l’embauche. Ils doivent équiper leurs travailleurs avec un matériel de protection adapté et leur expliquer l’importance de son utilisation. C’est pourquoi, il est essentiel d’utiliser des équipements de protection individuelle, comme les casques antibruit ou les bouchons d’oreille. Les entreprises doivent fournir ces équipements à leurs travailleurs. En outre, il est recommandé de faire des contrôles auditifs réguliers, idéalement une fois par an, afin de détecter précocement les troubles. Les travailleurs, de leur côté, doivent comprendre que ces équipements ne sont pas une contrainte, mais une nécessité pour préserver leur santé auditive sur le long terme. Je tiens à rappeler que la protection de l’audition est essentielle. Le bruit est un danger souvent sous-estimé, mais ses conséquences peuvent être irréversibles.

Entretien réalisé par Auguste Beugré

 

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