DECEMBER 9, 2022
Santé

Côte d’Ivoire : la vente de médicaments en bord de route constitue un véritable défi de santé publique et de gouvernance économique

Côte d’Ivoire : la vente de médicaments en bord de route constitue un véritable défi de santé publique et de gouvernance économique

En Côte d’Ivoire, la vente de médicaments à la sauvette, dans les marchés ou en bordure de route, représente une menace grave pour la santé publique, et aussi de l’économie du pays. Cette pratique, illégale mais répandue, génère aussi d’importantes pertes économiques.

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En dépit des interdictions formelles, la vente de médicaments en dehors du circuit officiel prospère dans les grandes villes ivoiriennes, notamment à Abidjan, Bouaké et Daloa. Selon le ministère de la Santé, de l’Hygiène publique et de la Couverture maladie universelle, cette vente illicite concernerait environ 30 % des médicaments en circulation dans le pays. Ces produits sont vendus à même le sol ou sur des étals de fortune, en pleine rue, sans aucune garantie de qualité et de traçabilité.

Selon l’Autorité Ivoirienne de Régulation Pharmaceutique (AIRP), les médicaments vendus de manière informelle proviennent pour une grande partie de la contrebande en provenance du Nigeria, du Ghana ou d’Asie du Sud-Est. Ces produits sont souvent périmés, falsifiés ou inadaptés aux pathologies locales. D’après le ministère de la santé, entre 30 et 40 % de la population achètent des médicaments dans la rue, rapporte le Monde.

Le site d’information Researchgate, à travers une étude descriptive et analytique des dossiers d'intoxication médicamenteuse dans les services de réanimation et d'urgences du CHU de Bouaké et de Cocody (entre janvier 2015 et septembre 2016), révèle que, sur les 425 cas d'intoxication, 155 cas étaient d'origine médicamenteuse. Les médicaments achetés aux abords des routes sont parfois pris sans consignes médicales.

Outre les risques sanitaires, le commerce illicite de médicaments engendre des pertes financières importantes. Selon Parfait Kouassi, ancien président de l’ordre des pharmaciens de Côte d’Ivoire, cité par le site NPSPCI-Veille, le secteur pharmaceutique légal enregistre chaque année « une perte de 40 à 50 milliards de francs CFA (76 millions d’euros) dont plus de 5 milliards destinés à l’Etat, due à l’existence d’un marché de rue des médicaments ».

Les faux médicaments représentent « probablement » 10% du marché pharmaceutique mondial, soit un chiffre d’affaires estimé à 85 milliards de dollars, selon l’Institut international de recherche anti-contrefaçon de médicaments (Iracm), basé à Paris.

Le Monde Afrique, dans un dossier publié en 2022, rapporte que les pharmacies agréées se retrouvent en concurrence déloyale avec ces vendeurs de rue, qui pratiquent des prix imbattables au détriment de la qualité et de la sécurité. Cela fragilise tout le secteur pharmaceutique formel, y compris les petits distributeurs.

De plus, comme le note un rapport de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), l’argent généré par ce trafic échappe totalement à l’impôt, privant l’État de recettes fiscales importantes. Les conséquences sont doubles : un manque à gagner pour les finances publiques et une pression accrue sur le système de santé, contraint de traiter les complications liées aux produits défectueux.

Face à l’ampleur du phénomène, les autorités multiplient les actions. Selon l’Interpol, l’opération internationale "Pangea XV", menée en 2022 avec la participation de la Côte d’Ivoire, a permis la saisie de plus de 70 tonnes de faux médicaments sur le territoire national. Pourtant, malgré ces résultats, les réseaux criminels parviennent à se réorganiser et à inonder les marchés de produits contrefaits.

Selon le Comité national de lutte contre les médicaments illicites (CNLCMI), la solution passe par une approche intégrée : renforcement des contrôles douaniers, sanctions plus sévères, sensibilisation des populations et surtout, amélioration de l’accès aux médicaments de qualité, notamment dans les zones rurales où les pharmacies se font rares.

La vente de médicaments en bord de route constitue un véritable défi de santé publique et de gouvernance économique. Comme le souligne l’Organisation mondiale de la santé-OMS, lutter contre les médicaments falsifiés, c’est protéger les vies humaines, mais aussi garantir l’intégrité du système de santé et la stabilité économique du pays.

Auguste BEUGRE

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