DECEMBER 9, 2022
Santé

Santé : pourquoi les Peulhs résistent-ils mieux au paludisme que les Dogons ?

Santé : pourquoi les Peulhs résistent-ils mieux au paludisme que les Dogons ?

En 2023, le paludisme a causé 597 000 décès dans le monde, indique l'Organisation mondiale de la santé (OMS), avec 95 % des décès enregistrés en Afrique dans un Rapport mondial sur le paludisme publié en décembre 2024.

En février 2018, le chercheur malien Karim Traoré, en cotutelle avec l’Université de Lyon et l’Université des Sciences, des Techniques et des Technologies de Bamako, présentait une thèse sur la problématique. Sa thèse de doctorat intitulée « Analyse anthropobiologique de la susceptibilité au paludisme chez l'homme » est une approche innovante pour comprendre les mécanismes de susceptibilité au paludisme chez l’être humain. Dans ce travail, il y indique que le paludisme reste la première parasitose mondiale, responsable de centaines de milliers de morts chaque année, en particulier en Afrique subsaharienne. 7 ans après la thèse du chercheur malien Karim Traoré, le paludisme continue de sévir à travers le monde, vu le nombre de décès enregistré chaque année.

Face à la résistance croissante du parasite Plasmodium aux traitements antipaludiques et à l’échec de la mise au point d’un vaccin universellement efficace, les scientifiques s’orientent vers de nouvelles pistes de recherche. C’est dans ce contexte que s’inscrit le travail de Karim Traoré, encadré par les professeurs Stéphane Picot (France) et feu Ogobara Doumbo (Mali).

Sa thèse adopte une approche anthropobiologique novatrice en s’intéressant aux interactions complexes entre l’environnement, le métabolisme et le système immunitaire.

« Les Peulhs résistent mieux au paludisme »

Au Mali, deux populations vivant dans la même zone géographique, les Peulhs et les Dogons présentent une différence marquée de susceptibilité au paludisme. Alors que la majorité des études se sont concentrées sur l’aspect immunitaire de cette résistance, Karim Traoré propose d’élargir la réflexion. Son étude met en lumière le rôle possible de l’alimentation et du métabolisme dans la réponse immunitaire. Il s’est notamment intéressé aux produits de glycation avancée (AGEs) et à leur récepteur, RAGE, dont le taux dans le sang et la structure génétique varient selon les populations étudiées. Les résultats montrent des différences significatives entre les Peulhs et les Dogons en termes de taux sanguins d’AGEs et de forme polymorphique du récepteur RAGE, ce qui pourrait influencer l’efficacité de la réponse immunitaire contre le parasite du paludisme.

Métabolisme, alimentation et microbiote

Ces travaux ouvrent une nouvelle perspective scientifique, en soulignant l’importance des facteurs environnementaux et notamment de l’alimentation dans la compréhension du paludisme. Le lien entre nutrition, immunité et microbiote intestinal, aujourd’hui au cœur des recherches biomédicales, pourrait jouer un rôle clé dans la résistance naturelle de certaines populations. Une avancée prometteuse qui remet en question les approches classiques centrées uniquement sur le parasite ou l’immunité et qui appelle à une vision plus globale et intégrée de la lutte contre cette maladie millénaire.

Ogobara Doumbo, figure majeure de la lutte contre le paludisme

Le professeur Ogobara Doumbo s’est imposé comme l’un des plus grands spécialistes africains du paludisme. D’origine dogon, il a consacré sa vie à la recherche médicale, combinant savoirs scientifiques et engagement pour la santé publique en Afrique. Formé à la fois au Mali et en France, le Professeur Doumbo a soutenu deux thèses de médecine dans chacun de ces pays. De retour au Mali, il a dirigé pendant une décennie le département d’épidémiologie de la Faculté de médecine de Bamako, jouant un rôle clé dans la formation de générations de médecins et de chercheurs. Il a ensuite pris la tête du Centre de recherche et de formation sur le paludisme (Malaria Research and Training Centre, MRTC), institution de référence qu’il a contribué à hisser au rang de centre d’excellence en Afrique. En 2003, le MRTC a lancé des essais cliniques prometteurs pour un vaccin antipaludique renforçant l’espoir d’une réponse durable à cette maladie endémique. Le professeur Ogobara Doumbo est décédé en juin 2018 à Marseille laissant derrière lui un héritage scientifique et humain considérable.

Fabrice Nouzianyovo

Les produits de glycation avancée (AGEs) sont des composés formés lorsque le sucre (glucose, fructose, etc.) se fixe de manière non enzymatique sur des protéines, des lipides ou des acides nucléiques. En cas de diabète, d’obésité, d’alimentation riche en sucre et en graisse ou encore sous l’effet du tabac et du stress oxydatif, on observe une accumulation d’AGEs dans l’organisme.

RAGE (Receptor for Advanced Glycation End products) est une protéine présente à la surface de plusieurs types de cellules (endothéliales, macrophages, cellules musculaires, etc.). Lorsque les AGEs se lient à RAGE, cela active une cascade de signalisations cellulaires, entraînant divers effets biologiques, souvent délétères.

Articles Similaires

About Us