Un article publié par Dr. Nouhoun Sogodogo dans la Revue africaine des sciences agricoles et environnementales (2024 Vol1(2)) précise que la production piscicole au Mali en 2023 s’élève à 133 000 tonnes, mais la consommation par habitant reste relativement faible, avec seulement 10,5 kg par personne, comparativement à 20,7 kg à l’échelle mondiale. Cette situation pourrait s’expliquer par plusieurs facteurs, dont une production insuffisante et un déficit de données claires sur les espèces utilisées en pisciculture, notamment celles élevées dans les infrastructures existantes.
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Selon la Direction Nationale de la Pêche (DNP), la seule alternative fiable aujourd’hui pour relever ce défi est le développement de la pisciculture (DNP, 2023). Quant à la banque mondiale, elle prévoit des indices rouges pour le Mali comme, la faim, la pauvreté, le chômage et l’insécurité alimentaire à l’horizon 2030 si rien n’est fait (Dabbadie, 2014). C’est dans ce contexte qu’intervient l’étude sur l’identification des espèces de poissons utilisées en pisciculture.
Pour mieux comprendre les raisons de cette faible consommation et identifier les leviers possibles d’amélioration, une étude a été menée entre juin 2020 et février 2021, dans les principales régions productrices de poisson, à savoir Sikasso, Ségou, Koulikoro, Mopti et le District de Bamako, représentant à elles seules 96 % de la production piscicole du pays. L’objectif était de dresser un état des lieux des espèces de poissons élevées et de comprendre leur fréquence d’utilisation par site de production, ainsi que la relation entre les espèces et les infrastructures d’élevage. Les résultats ont été publiés dans la Revue africaine des sciences agricoles et environnementales (2024 Vol1(2)). Cette étude a été réalisée par Dr. Nouhoum Sogodogo de la Faculté d’Agronomie et de Médecine Animale, Université de Ségou et collaborateurs.
La situation dans le monde
La production d'animaux aquatiques provenant de l'aquaculture dépasse désormais celle de la pêche de capture au niveau mondial (FAO, 2024). En 2022, selon la FAO, la production halieutique et aquacole mondiale a atteint 223,2 millions de tonnes, soit une augmentation de 4,4 % par rapport à 2020. D'ici 2030, la pisciculture devrait représenter près des deux tiers de la production mondiale de poissons destinés à l'alimentation, en raison de la stabilisation des captures de poissons sauvages et de l'augmentation de la demande provenant d'une classe moyenne en forte expansion, notamment en Chine (FAO, 2020). La FAO indique que cette production aquacole devrait connaître une croissance de 10 % d'ici 2032, atteignant ainsi 205 millions de tonnes. La pisciculture constitue ainsi une alternative prometteuse face à la baisse des stocks de poissons issus de la pêche de capture.
Une domination du tilapia et du clarias
Les résultats de l’étude révèlent que les espèces de poissons les plus couramment utilisées en pisciculture au Mali sont le Tilapia (Oreochromis niloticus), le Clarias (Clarias gariepinus) et l’Hétérotis (Heterotis niloticus). Sur un total de 100 pisciculteurs interrogés, 62 % d’entre eux élèvent du Tilapia, tandis que 34 % élèvent du Clarias et seulement 4 % élèvent de l’Hétérotis. Cette tendance montre une préférence marquée pour le Tilapia, un poisson apprécié pour sa rapidité de croissance et sa capacité à s’adapter aux conditions locales. Malgré cette prédominance de quelques espèces, le secteur de la pisciculture au Mali souffre d’un manque de diversification, ce qui peut limiter la croissance du secteur et la disponibilité des produits piscicoles. L’étude met en évidence un déficit de données sur les types d’espèces de poissons élevées, leurs exigences écologiques spécifiques et la manière dont elles interagissent avec les infrastructures d’élevage. Cette absence de données complètes, freine le potentiel de production et empêche les pisciculteurs d’optimiser leurs rendements.
Défis
Le faible taux de consommation de poisson par habitant peut également être attribué à une série de défis dans le secteur, notamment l’insuffisance d’infrastructures adaptées, l’accès limité aux semences de qualité et un manque de formation sur les techniques d’élevage modernes. Pour inverser cette tendance et améliorer la production piscicole, il est essentiel d’investir dans la diversification des espèces élevées, de renforcer les capacités des pisciculteurs et d’améliorer la gestion des infrastructures. L’étude souligne que l’identification et la connaissance des espèces de poissons adaptées à la pisciculture en terre malienne sont importantes pour augmenter la production piscicole et répondre à la demande croissante de poissons, tant au niveau national qu’international. En diversifiant les espèces élevées et en améliorant les infrastructures, le pays pourrait non seulement augmenter sa production, mais aussi réduire la dépendance aux importations et offrir des produits de qualité sur le marché local. Avec un engagement plus fort des autorités et des acteurs du secteur, le potentiel de la pisciculture malienne se révélera plus important, contribuant ainsi à améliorer la sécurité alimentaire et à stimuler l’économie nationale.
En résumé, la pisciculture au Mali dispose d’un potentiel énorme, mais reste sous-exploitée en raison d’un manque de diversification des espèces et de données complètes sur les pratiques de production. L’amélioration des infrastructures, la formation des pisciculteurs et la diversification des espèces pourraient permettre de combler l’écart entre la consommation nationale et la production, contribuant ainsi à une meilleure sécurité alimentaire et à un secteur de la pisciculture plus prospère.
Quelques références bibliographiques
DNP. (2023). Rapport annuel de la Direction Nationale de la Pèche 2022, 44 pages.
FAO. (2020). La production et la consommation de poissons continueront d’augmenter d’ici 2030.
Sogodogo, N. (2023). Amélioration de la qualité d’aliments poissons par incorporation d’intrants locaux en supplémentation alimentaire : cas du Tilapia nilotica (oreochromis niloticus) en pisciculture à Ségou. Thèse de doctorat, p.174.
Micha, JL. (2019). Piscicultures du monde. Aujourd'hui et demain,Tropicultura, Volume 37, Numéro 4, URL : https://popups.uliege. be:443/22958010/index.php?id=1435 .
Fabrice NOUZIANYOVO