DECEMBER 9, 2022
Environnement

Mali : face à la crise environnementale, il y a urgence de repenser notre rapport avec la nature

Mali : face à la crise environnementale, il y a urgence de repenser notre rapport avec la nature

La crise environnementale est devenue l’un des enjeux les plus pressants du XXIe siècle. Partout dans le monde, les signaux d’alerte se multiplient : catastrophes naturelles récurrentes, bouleversements climatiques, perte accélérée de la biodiversité. Le Mali, à l’instar de plusieurs pays du Sud, est particulièrement confronté à cette réalité. Des campagnes aux centres urbains, des forêts du sud aux zones sahéliennes du nord, l’environnement malien subit de plein fouet les effets d’une exploitation humaine souvent incontrôlée. L’heure n’est plus à l’indifférence. Il est urgent d’agir. Urgent de se mobiliser. Urgent de repenser notre rapport avec la nature.

----

Dans un travail de recherche effectué par Dr. Moussa Thiam de Ecole Normale d’Enseignement Technique et Professionnel (ENETP) du Mali et collaborateurs, publié dans le volume 2 de la Revue africaine des sciences agricoles et environnementales en 2024, celui-ci tire la sonnette d’alarme. L’objectif dans ce travail consiste, d’une part, à interpeller tout un chacun, y compris les autorités, sur les conséquences de la détérioration de l’environnement et d’autre part de proposer des directives à suivre pour sortir de l’ornière de cette catastrophe.

Couvert forestier recule à une vitesse inquiétante

La dégradation de l’environnement malien ne date pas d’hier, mais elle s’est accélérée de façon inquiétante ces dernières années. Les signes sont désormais évidents et omniprésents. Dans les grandes villes comme Bamako, la qualité de l’air est devenue un véritable problème de santé publique. La poussière, les émissions des véhicules obsolètes, l’incinération des déchets à ciel ouvert et les fumées industrielles asphyxient littéralement les populations. Les cours d’eau sont de plus en plus contaminés par les produits chimiques issus de l’orpaillage clandestin. Également les pesticides utilisés dans l’agriculture intensive se déversent dans les nappes phréatiques, mettant en danger la faune aquatique et les communautés dépendantes de ces ressources.

Le couvert forestier recule à une vitesse inquiétante. Le bois reste une source principale d’énergie pour la majorité des ménages, entraînant une pression constante sur les forêts. À cela s’ajoutent les feux de brousse, souvent causés par l’homme, et l’exploitation illégale du bois. De nombreuses espèces animales et végétales sont aujourd’hui menacées. La perturbation des écosystèmes provoque un déséquilibre qui pourrait avoir des répercussions durables sur la sécurité alimentaire et la résilience face aux changements climatiques.

Facteurs humains

Les origines de cette crise ne sont pas mystérieuses. Elles sont largement liées à des actions humaines, souvent motivées par la recherche de profit à court terme, mais aussi par la pauvreté, le manque de sensibilisation et l’absence de régulation efficace. Parmi les principaux facteurs humains, on peut noter l’usage abusif et incontrôlé de produits chimiques et de pesticides dans l’agriculture ; l’urbanisation sauvage sans planification environnementale ; la prolifération de véhicules non conformes aux normes écologiques ; l’extraction artisanale de l’or, très polluante, et souvent réalisée sans aucune norme environnementale ; le manque d’infrastructures de gestion des déchets solides et liquides. Ces pratiques contribuent non seulement à la dégradation de l’environnement, mais aussi à l’aggravation des conditions de vie des populations.

Santé, l’économie et la stabilité sociale

La crise environnementale a des impacts bien au-delà des seuls écosystèmes. Elle affecte directement la santé, l’économie et la stabilité sociale du pays. Sur le plan sanitaire, on observe une augmentation significative des maladies respiratoires, cardiovasculaires et pulmonaires, en particulier chez les enfants et les personnes âgées. Les cancers liés à l’exposition prolongée aux produits chimiques et à la pollution de l’air sont en constante hausse. Sur le plan économique, la baisse de productivité agricole causée par l’appauvrissement des sols et l’imprévisibilité climatique menace la sécurité alimentaire. Les communautés rurales, déjà fragiles, se retrouvent encore plus exposées à la pauvreté. Et sur le plan social, la dégradation de l’environnement est un facteur aggravant des conflits, notamment dans les zones où les ressources naturelles comme l’eau ou les terres cultivables deviennent de plus en plus rares.

Quelle réponse ? Une double responsabilité éthique et juridique

Face à cette situation, deux leviers fondamentaux peuvent permettre un changement de cap, selon l’étude réalisée : la responsabilité éthique et la responsabilité juridique.

La responsabilité éthique

Elle appelle à un changement de comportement individuel et collectif. Il s’agit de reconnaître notre devoir moral envers la nature et les générations futures. Cela passe par une éducation environnementale à tous les niveaux scolaires ; la promotion de pratiques agricoles durables ; la réduction de l’usage du plastique et des déchets non biodégradables ; une consommation responsable et locale ; l’implication active des citoyens dans la protection de leur environnement immédiat.

La responsabilité juridique

Les lois environnementales existent au Mali, mais leur application reste souvent timide, voire inexistante. Il est urgent de renforcer le cadre législatif et réglementaire ; de sanctionner sévèrement les pollueurs, y compris les grandes entreprises ; de créer des tribunaux spécialisés en justice environnementale ; de doter les services techniques de moyens humains et financiers suffisants pour le contrôle environnemental.

Mobilisation nationale

Pour espérer renverser la tendance, il faut une mobilisation nationale. L'État, les collectivités, les ONG, les leaders religieux, les enseignants, les jeunes, les agriculteurs, les industriels… tous doivent être associés à un véritable sursaut écologique. Cette mobilisation doit se reposer sur une vision claire : celle d’un Mali vert, sain, durable, où le citoyen vit en harmonie avec son environnement. Il ne s’agit plus d’un simple enjeu écologique, mais d’un impératif de survie.

La crise environnementale qui frappe le Mali est une réalité alarmante, mais pas une fatalité. Elle peut être freinée, atténuée, voire inversée, à condition que la volonté politique et l’engagement citoyen soient au rendez-vous. Ce combat ne peut pas attendre. Il engage notre responsabilité envers la planète, envers nos enfants et envers nous-mêmes, parce que préserver l’environnement, c’est préserver la vie.

Quelques sources bibliographiques

Kanté, L. A. (2021). Au moins 500.000 ha de forêt perdus annuellement au Mali. https://fr.mongabay.com/2021/07/au-moins 500-000-ha-de-foret-perdus-annuellement au-mali/?amp=1 , consulté le 25/10/2024 à 16h10.

Traoré, A. B. (2022). Impact socioéconomique de l’orpaillage dans le cercle de Kéniéba au Mali. International Journal of Accounting, Finance, Auditing, Management and Economics, 3(1-2), 251 268

Sanogo, B., Bamba, Y., & Maïga, I. (2023). Analyse de l’exploitation abusive du charbon de bois dans le Cercle de Kolondieba: cas de la Commune de N’Golodiana. Revue Internationale du Chercheur, ISSN: 2726 5889 , 4(3), Pages 1 à 13, https://www.revuechercheur.com/index.php/ home/article/view/721/629 .

Michelot, A. (2024). La justice climatique : quelles avancées? Penser le changement climatique sous l'angle des inégalités. Ethique environnementale pour juristes.

Fabrice Nouzianyovo

Articles Similaires