Le manioc, une culture originaire d’Amérique du Sud, est aujourd’hui une denrée essentielle dans de beaucoup de régions du monde, et notamment en Afrique de l'Ouest. Bien qu’il ait initialement été utilisé comme aliment pour les animaux, ce tubercule occupe une place centrale dans l'alimentation humaine, en raison de sa grande adaptabilité et de ses multiples usages. Toutefois, si sa culture est bien documentée, l’adoption du manioc dans des contextes particuliers, notamment dans l’espace géographique du sud-est de la Côte d'Ivoire, mérite encore plus d’attention. L’objectif est d'étudier non seulement la diffusion de cette culture au fil du temps, mais aussi de comprendre les facteurs socio-économiques et culturels qui influencent son adoption dans cette région.
Les résultats montrent que l'adoption du manioc n’est pas homogène et varie au fil du temps, avec des pics notables entre 1951 et 1980, puis une réduction progressive de l’intensité de la diffusion. Ce travail a été réalisé par Dr. Koffi Jean Marius Boris kouamé, Enseignant-Chercheur au Département de géographie (Université Pelefero Gon Coulibaly, Côte d’Ivoire) et collaborateurs. Les résultats ont été publiés dans le volume 1 de la Revue africaine des sciences agricoles et environnementales en 2024
Une réflexion spatiale sur l’adoption du manioc : un cas d’étude du Sud-Est de la Côte d’Ivoire
Cette étude sur la structure spatiale de l’adoption du manioc dans trois districts spécifiques du sud-est de la Côte d’Ivoire : Lagunes, Lacs, et Comoé, repose sur une analyse approfondie des données collectées à partir de deux principales sources : des données secondaires provenant des bibliothèques du ministère de l'Agriculture et du Développement Rural, et des données primaires issues de Focus Group Discussions (FGD) et d’enquêtes par questionnaire.
L'analyse s’est basée sur la diffusion des innovations et le comportement planifié comme cadre théorique. Pour ce faire, l’étude s’est concentrée sur 154 villages producteurs de manioc, couvrant une période allant de 1951 à 2017. L'objectif était d'analyser l’évolution de l’adoption de cette culture, notamment en fonction des différentes cohortes de diffusion.
Facteurs influant sur l’adoption du manioc
Plusieurs facteurs expliquent cette évolution dans la diffusion du manioc. L'attractivité économique de cette culture, qui demande peu d’entretien et offre une grande flexibilité en termes de produits dérivés, a été un facteur déterminant. De plus, la facilité de consommation et la diversité des formes de préparation du manioc (fufu, attiéké, gari, etc.) contribuent à sa popularité dans de nombreuses communautés.
Cependant, au-delà des avantages intrinsèques de la culture elle-même, la diffusion du manioc est largement influencée par des facteurs géographiques et sociaux. L’adoption dans les villages voisins est souvent propulsée par des réseaux d’échanges et des influences culturelles partagées. Le rôle des ethnies et des limites géographiques apparaît aussi comme une variable déterminante dans la propagation de cette culture, la transmission des connaissances agricoles étant facilitée par des liens ethniques ou des relations de voisinage.
Le modèle d’adoption : aléatoire, mais avec des Tendances Claires
En analysant les résultats, il apparaît que le modèle d’adoption de la culture du manioc entre 1951 et 2017 suit un schéma plutôt aléatoire. Cela peut s'expliquer par l’attrait économique que représente la culture du manioc pour les producteurs, mais aussi par sa faible exigence en termes de conditions pédoclimatiques : ce qui en fait une culture adaptée aux divers environnements du sud-est du pays. Il paraît que, malgré des périodes d'adoption plus marquées, l’adoption globale de cette culture demeure relativement stable au fil des décennies. Le phénomène de diffusion, bien que non linéaire, demeure essentiellement influencé par les dynamiques sociales, les contraintes géographiques et la disponibilité des ressources.
Perspectives
L’adoption du manioc dans le Sud-Est de la Côte d'Ivoire est un exemple frappant de la façon dont une culture peut se diffuser au fil du temps, influencée par des facteurs socio-économiques, géographiques et culturels. Si le manioc est largement adopté dans la région, il demeure encore des défis à surmonter, notamment dans le cadre de la recherche et de l’extension agricole, pour maximiser son potentiel économique. Les résultats de cette étude incitent à une prise de conscience accrue sur l’importance de la recherche sur la culture du manioc et de son potentiel, notamment dans le contexte de l’adaptation aux changements climatiques et des besoins croissants en matière de sécurité alimentaire. Pour renforcer l’adoption du manioc et encourager une production encore plus soutenue, des efforts accrus doivent être faits en termes de diffusion des connaissances agricoles et de soutien institutionnel aux producteurs. L’analyse de la diffusion du manioc dans cette région peut servir de modèle pour d'autres régions agricoles en Afrique et au-delà, où le manioc joue un rôle clé dans les systèmes alimentaires locaux.
Quelques références bibliographiques
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Fabrice NOUZIANYOVO