La malnutrition aiguë sévère, un fléau silencieux qui touche encore des milliers d’enfants au Mali, pourrait bien cacher un nouvel ennemi invisible : un déséquilibre profond du microbiote intestinal. Une étude menée en 2021 par Salimata Konaté pour sa thèse de doctorat, sur 21 enfants maliens répartis en groupes sains, atteints de marasme ou de kwashiorkor met en lumière une disparition massive de bactéries essentielles à la santé intestinale, notamment celles dites « halophiles », souvent issues de l’alimentation.
----
L’étude a combiné deux techniques innovantes : la métagénomique (analyse de l’ADN microbien) et la culturomique (culture intensive de bactéries) pour dresser un portrait inédit du microbiote de ces enfants. Résultat : les enfants souffrant de malnutrition présentaient une perte marquée de bactéries commensales, c’est-à-dire bénéfiques, par rapport aux enfants en bonne santé.
Mais ce qui intrigue particulièrement les scientifiques, c’est la disparition quasi totale d’un groupe de bactéries halophiles, des bactéries qui aiment le sel et que l’on retrouve souvent dans des aliments traditionnels fermentés. Sur les 19 nouvelles espèces isolées, 17 étaient halophiles. L’une d’elles, Halobacillus ihumii, a été retrouvée chez 6 enfants sains sur 7, mais était totalement absente chez les enfants malnutris. Cette absence pourrait être le signe d’un retard d’acquisition du microbiote intestinal, d’un stress oxydatif élevé ou de conditions intestinales défavorables empêchant la survie de ces microbes exigeants. Le rôle précis de ces bactéries reste encore à découvrir, mais leur présence semble liée à une bonne santé nutritionnelle.
Cette découverte ouvre la voie à de nouvelles approches pour prévenir ou traiter la malnutrition, en rétablissant un équilibre intestinal dès les premiers mois de vie. Un appel est lancé pour des études plus larges afin de mieux comprendre la signature microbienne spécifique à l’Afrique de l’Ouest et son rôle dans la croissance des enfants. Alors que les solutions nutritionnelles classiques atteignent leurs limites, le microbiote peut bien devenir un allié clé dans la lutte contre la malnutrition infantile.
Fabrice NOUZIANYOVO