DECEMBER 9, 2022
Santé

Santé : quelle solution durable pour l’intelligence artificielle et télémédecine en Côte d’Ivoire ?

Santé : quelle solution durable pour l’intelligence artificielle et télémédecine en Côte d’Ivoire ?

Dans un contexte marqué par des inégalités persistantes en matière d’accès aux soins, l’intelligence artificielle et la télémédecine apparaissent comme une opportunité historique pour transformer durablement le système de santé ivoirien. Il est désormais nécessaire que les décideurs politiques fassent de ces technologies une priorité stratégique.

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La télémédecine et l’intelligence artificielle ne sont plus des gadgets technologiques, mais des réponses concrètes aux défis sanitaires auxquels fait face la Côte d’Ivoire. Alors que des milliers de citoyens, notamment dans les zones reculées, peinent encore à consulter un médecin, ces innovations offrent des solutions efficaces, rapides et à moindre coût. Pourtant, leur déploiement demeure timide.

En Côte d’Ivoire, les effets pervers de l’urbanisation — stress, alimentation déséquilibrée, sédentarité — ont provoqué une explosion des maladies chroniques. Selon le média La Croix, l’hypertension touche aujourd’hui 25 % de la population, contre 13 % dans les années 1980, soit un taux comparable à celui observé en France. Pourtant, moins de la moitié des patients sont effectivement pris en charge, soutient le média.

« Près de 90 % des infarctus peuvent être diagnostiqués grâce à la télémédecine », affirme Florent Diby, cardiologue au Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Bouaké. En collaboration avec l’infirmier Rodrigue Assi, également engagé au sein de l’ONG Wake Up Africa, le cardiologue a pu diagnostiquer une patiente souffrant de cardiomyopathie, à la suite d’un électrocardiogramme réalisé à Boundiali, où exerce l’infirmier, rapporte toujours La Croix. Pour Florent Diby, la télémédecine contribue à réduire les inégalités d’accès aux soins et devrait constituer la pierre angulaire de notre système de santé.

« Autrefois, nous étions contraints de référer les patients à Bouaké, à cinq heures de route », se remémore le docteur Kouadio Yao, médecin-chef de l’hôpital général de Boundiali. « Mais en raison des frais de transport et d’hébergement, la majorité d’entre eux renonçaient au déplacement, ce qui pouvait entraîner des complications, voire des décès. Aujourd’hui, les quelque 35 patients mensuels de Boundiali sont stupéfaits », témoigne Rodrigue Assi.

Dans cette même dynamique, le média WeartechAfrica rapporte que deux entrepreneurs ivoiriens ont développé une plateforme d’e-santé destinée à faciliter l’accès des populations aux soins médicaux. Ils y ont intégré un agent conversationnel (chatbot) reposant sur l’intelligence artificielle.

Baptisée La Ruche Health, cette plateforme, conçue par la start-up ivoirienne fondée en 2023 par Benjamin Sasu et Rory Assandey, permet aux utilisateurs de prendre rendez-vous en ligne via une messagerie instantanée intelligente. Une fois inscrits, les usagers peuvent accéder à divers services tels que la téléconsultation ou les examens médicaux à domicile. Ils peuvent également discuter de leurs symptômes avec un spécialiste qualifié dans l’heure suivant la demande. Les ordonnances sont ensuite générées et transmises instantanément via l’application mobile, précise le même média.

À l’échelle continentale, de nombreux pays africains ont engagé depuis quelques années des politiques de développement de la télémédecine à visée informative. C’est le cas du Sénégal, où, selon le site ThinkTankCraps, une offre de télé-imagerie est mise en œuvre entre plusieurs hôpitaux du pays.

Le site souligne que, pour les besoins en téléexpertise radiologique ou dans d’autres spécialités, notamment à des fins diagnostiques ou de second avis, les spécialistes sont consultés de manière asynchrone par courriel ou SMS. Les réponses fournies sont ensuite transférées aux médecins demandeurs via un Cloud médical.

Au Bénin, la télémédecine s’inscrit dans le cadre d’un accord intergouvernemental ratifié en juin 2009. Le gouvernement béninois a misé sur plusieurs programmes pour atténuer les inégalités d’accès aux soins, largement dues à la pénurie de professionnels de santé, notamment de médecins spécialistes dans le secteur public. Ce dispositif vise également à réduire les dépenses liées aux évacuations sanitaires à l’étranger.

La Côte d’Ivoire, à l’instar de ces pays, a lancé en 2012, à la sortie de la crise post-électorale, un Plan national e-santé, avec l’appui financier de l’Agence Nationale du Service Universel des Télécommunications-TIC (ANSUT) et la mise en place du Centre National de Télémédecine, dirigé par le Pr Ehua du CHU de Yopougon. Ce plan visait à renforcer l’accès aux soins spécialisés via la télémédecine informative.

Une phase pilote avait pour objectif d’interconnecter des centres de santé de premier contact (Rubino et Cechi) à un CHR (Agboville) et à deux CHU d’Abidjan (Yopougon et Treichville) à travers un Dossier Patient Informatisé (DPI) unique. Le matériel choisi par l’ANSUT provenait de la société chinoise Huawei, qui a également développé le logiciel DPI. L’équipement a été installé à la fin de l’année 2012 dans les sites pilotes. Toutefois, ce projet de télémédecine informative n’a jamais été rendu opérationnel.

Au-delà de cet échec, le développement de la télémédecine en Côte d’Ivoire est également freiné par une couverture internet inégale sur l’ensemble du territoire, notamment dans les zones rurales où l’accès au haut débit demeure limité. A l'occasion de la première édition du Forum Côte d'Ivoire-TIC 2023 qui s'est tenue sur le thème : '' 5G, zones rurales et économie numérique : quelles avancées en 2023 '', le ministre de la Communication et de l'Économie numérique, Amadou Coulibaly a fait savoir que 65% du territoire n'était pas couvert par la 4G. Cette fracture numérique constitue un obstacle majeur à l’essor de la télémédecine.

Ces déficits, tant techniques que structurels, ralentissent fortement l’essor de la télémédecine, pourtant indispensable pour améliorer l’accès aux soins pour les populations et réduire significativement le taux de mortalité, souvent lié à l’insuffisance de la prise en charge médicale.

A. Médéric

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