DECEMBER 9, 2022
Santé

Le cerveau vieillit-il à cause de « bouchons » dans les usines à protéines ?

Le cerveau vieillit-il à cause de « bouchons » dans les usines à protéines ?

Un ralentissement de la traduction des protéines pourrait expliquer le déclin cognitif lié à l’âge. Des travaux récents sur le killifish révèlent un mécanisme biologique inattendu, ouvrant la voie à de nouvelles stratégies pour préserver les fonctions cérébrales.

Le vieillissement du cerveau pourrait être causé par une défaillance dans la production des protéines. C’est ce que suggère une étude récente publiée par une équipe internationale dirigée par Alessandro Cellerino, de l’Institut Leibniz sur le Vieillissement à Jena, en Allemagne (Ripa et al., 2025, Nature).

Les chercheurs ont observé que les ribosomes, ces « usines » cellulaires chargées d’assembler les protéines à partir des ARN messagers (ARNm), deviennent plus lents avec l’âge. Ce ralentissement entraîne un encombrement des ribosomes, laissant derrière eux des chaînes protéiques incomplètes, mal repliées, et souvent impossibles à recycler. Résultat : ces protéines défectueuses s’agglutinent et perturbent le bon fonctionnement des neurones.

Des protéines en déclin malgré un ARNm stable

Dans une cellule en bonne santé, plus il y a de copies d’ARNm, plus une protéine est produite. Toutefois, plusieurs études – notamment chez l’humain – ont montré que cette corrélation se rompt au fil du temps (Anisimova et al., 2020, Aging Cell). Autrement dit, la production de certaines protéines essentielles diminue, même si leur ARNm est toujours présent en quantité suffisante.

L’étude menée sur des poissons killifish (Nothobranchius furzeri), un modèle réputé pour sa courte durée de vie et ses similitudes avec le vieillissement humain, a confirmé cette tendance. Les chercheurs ont constaté que les ribosomes, avec l’âge, sont moins efficaces pour traduire l’information génétique, en particulier pour les protéines impliquées dans la réparation de l’ADN ou le transport de l’ARN.

Un cercle vicieux dans les neurones

Ce ralentissement de la traduction crée un cercle vicieux : l’accumulation de protéines mal formées encombre les cellules, ralentit encore davantage la production de nouvelles protéines, et affecte in fine les réseaux neuronaux.

Selon Cellerino, l’objectif de ces recherches n’est pas tant de prolonger la durée de vie que de préserver les capacités cognitives en ciblant les mécanismes de traduction des protéines. « Il s’agit surtout d’améliorer les fonctions cérébrales ou de prévenir leur déclin », a-t-il confié.

Vers de nouvelles stratégies thérapeutiques ?

Ces résultats ouvrent la voie à des approches innovantes pour ralentir le vieillissement cérébral. En ciblant les dysfonctionnements des ribosomes ou en favorisant l’élimination des protéines mal repliées, on pourrait potentiellement mieux prévenir les maladies neurodégénératives comme Alzheimer ou Parkinson, souvent caractérisées par une accumulation de protéines anormales.

Références :

  • Ripa, R. et al. (2025). Ribosomal slowdown drives protein aggregation in the aging killifish brain. Nature.

  • Anisimova, A.S. et al. (2020). Translation regulation in aging and neurodegeneration. Aging Cell, 19(4), e13191.

  • Martinez-Miguel, V.E. et al. (2021). Ribosome stalling and protein aggregation in aging. Cell Reports, 34(5), 108769.

Dr Mazo KONE

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