Pour éviter que les pluies diluviennes causent encore des dégâts pendant la saison des crues, le gouvernement malien a débuté, en mai 2025, une opération de curage des caniveaux et des collecteurs à l’échelle de la capitale Bamako. Quatre mois après la mise en œuvre de cette opération de curage des caniveaux, les « Bamakois », grands bénéficiaires, donnent leur avis sur cette action du gouvernement. Si les réactions sont mitigées, il n’en demeure pas moins que les populations apprécient cette opération de salubrité, même s’il y a des voix qui l’estiment tardive. Pour des experts, la mesure restera imparfaite à moins qu’elle ne soit couplée à une vraie révision de la planification urbaine.
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2,66 milliards de FCFA
Les souvenirs de l’hivernage de 2024 hantent encore le quotidien. Pendant cette période, des inondations inédites avaient transformé des ruelles en torrents et causé des préjudices s’élevant à plusieurs milliards de francs CFA.
Deux jours après le lancement des chantiers, le 15 mai 2025, le Premier ministre, Abdoulaye Maïga, a présidé la cérémonie, accompagné de la ministre de l’Environnement, Mme Doumbia Mariam Tangara. "C’est à l’œuvre de réécrire le chapitre des inondations que nous nous attelons. Ce nettoyage est le signal que la dignité des familles de Bamako nous importe et que nous en ferons un souci qui dépasse la saison," a expliqué le chef du gouvernement en ouvrant les tranchées. Et d’ajouter : "Nous marquons le pas, mais l’itinéraire se détermine à la vitesse de la mise en application, de la responsabilité de chacun et d’un changement de mentalités collectives”.
Le programme, soutenu à hauteur de 2,66 milliards de FCFA, alloue au Budget Spécial d’Investissement (BSI) et à la Banque mondiale, à travers le Projet de Résilience Urbaine de Bamako (PRUBA), le désencombrement de 131 073 mètres linéaires de collecteurs et de 235 365 mètres linéaires de caniveaux répartis sur les six communes du District de Bamako.
Déroulement et encadrement des travaux
Le suivi des opérations est placé sous la responsabilité de bureaux de contrôle indépendants. Dans le secteur de Missabougou (Bamako), le chantier affiche 80 % d’avancement tandis que Dianéguéla (Bamako) n’atteint que 22 %, ce qui suscite une vive inquiétude chez certains responsables de la mairie.
« Nous espérons que le rythme sera intensifié avant que les grandes pluies n’atteignent la ville fin août », a déclaré Mme Haïdara Aminata Sangaré, Secrétaire générale de la mairie de la Commune VI. Les déchets extraits du chantier sont transférés vers le site de traitement de Noumoubougou (Région de Koulikoro). Selon les responsables, cette solution permet de préserver la propreté des espaces déjà curés des risques de recontamination. Néanmoins, les habitants, bien que soulagés d’un désagrément direct, continuent de dénoncer le caractère cyclique du processus. « Chaque saison, c’est le même tableau, on attend que les fossés soient pleins d’eau pour entamer les curages », regrette un riverain. "Ce travail aurait dû débuter en début d’année", suggère Konimba Diarra, couturier à Attbougou. "Aujourd’hui on nettoie et dès le lendemain, de nouveaux déchets reviennent. Il est urgent de punir les responsables", renchérit Alima Dembélé, experte de l’environnement en Commune IV. "Nous avons connu l’horreur. L’eau est entrée dans les maisons. Les enfants ont couru des risques", rappelle Aminata Yébézé, habitante de Yirimadio (Bamako). Face à l’ampleur de la situation, les autorités ont enfin décidé d’accélérer les mesures.
Devant les inondations annuelles, les spécialistes réclament une approche élargie. Pour Adama Sambou Sissoko, consultant en urbanisme, les opérations de curage sont nécessaires mais ne suffisent pas. "Au-delà, nous devons instaurer une planification urbaine stricte, éduquer aux déchets et contrôler les réseaux d’eau. La situation ne fera que se reproduire », a-t-il proposé, insistant sur la protection des berges et le respect des normes dans les zones à risque d’inondation.
Objectifs atteints…
D’après le ministère de l’Environnement, le pourcentage des objectifs atteints est de 87,71 %, en nette progression par rapport aux 60,81 % de l’année précédente. Les secteurs nettoyés sont épargnés par les grosses flaques et les réclamations des habitants sont moindre. "Nous avons observé une vraie amélioration sur les périmètres déjà dégagés. C’est encourageant, mais il faut aller plus loin et poursuivre dans la durée,”, reconnait Mme Doumbia Mariam Tangara, ministre de l’Environnement.
Malgré les progrès, plusieurs défis restent à relever sur la voie de l’assainissement durable : l’incivisme de certains usagers troublant les caniveaux, le manque de campagnes de sensibilisation formatrices, l’occupation illicite des milieux inondables et la laxité dans le suivi des réseaux après entretien.
Le programme de curage 2025 à Bamako se déploie comme une alarme des autorités face à l’intensification des intempéries. Pour aller au-delà de la réaction, il faudra à ce calendrier de curage, un programme d’urbanisme revitalisé, une citoyenneté participative et un suivi stratégique.
Fabrice Nouzianyovo