Mali : Des maladies à connaitre avant de marier son cousin
Au Mali, le mariage consanguin est un phénomène répandu chez certains groupes ethniques. L’une de ses conséquences est la propagation de maladies dites consanguines.
En se mettant la bague aux doigts, un couple peut s’exposer à de nombreuses maladies. Des études scientifiques ont établi le lien de cause à effet entre certaines maladies et le mariage de parenté rapprochée ou mariage consanguin.
Dr Moussa Denou indique dans son étude intitulée « Prise en charge de l’hydrocéphalie chez les enfants de 0 à 5 ans au service de neurochirurgie de l’hôpital du Mali » que les mariages consanguins contribuent à la survenue de l’hydrocéphalie. Une maladie provoquant une augmentation du volume du crane. Selon le chercheur, au Mali, l’hydrocéphalie est beaucoup rencontrée chez les peulhs (32%) suivis des Bambaras (25%), Soninkés (17%), Malinkés (7%), etc…
Au CHU du Point G, le neurologue Guida Landouré reconnait l’existence de plusieurs maladies consanguines au Mali. Mais, dit-il «elles sont très peu étudiées, et le manque de répertoire génétique national ne permet pas de déterminer le nombre.»
Toutefois, Dr Guida Landouré explique que la drépanocytose et l’albinisme sont deux maladies fortement présentes au Mali. Pour soutenir son hypothèse, le chercheur s’est appuyé sur les données biologiques et phénotypiques de certaines maladies consanguines.
« Entre ces deux maladies, seule la drépanocytose a fait l’objet d’études scientifiques dans notre pays», indique le neurologue. Ceci, explique-t-il, est dû à deux raisons : d’abord à la présence très tôt au Mali des spécialistes en hématologie intéressés par cette maladie et à son taux de prévalence élevé dans la population.
Au Mali, la prévalence du gène drépanocytaire varie entre 6 et 15% du nord au sud, avec une moyenne nationale de 12%. Plus de 1 000 nouveaux cas sont enregistrés chaque année au Centre de recherche et de lutte contre la drépanocytose (CRLD).
Interrogé par JSTM, Dr Boubacari Ali Touré, hématologue au CRLD affirme que : «la consanguinité joue ‘’effectivement’’ un grand rôle dans la prolifération du gène drépanocytaire. »
Comme l’hydrocéphalie et la drépanocytose, la neurofibromatose est aussi l’une des graves conséquences liées aux mariages consanguins. C’est une maladie qui se manifeste par des taches café au lait sur la peau et des tumeurs situées le long des nerfs, appelés neurofibromes. Selon la taille, le nombre et l’emplacement de ces neurofibromes, des complications peuvent survenir. Dr Yamoussa Karabinta, Chercheur et dermatologue à l’hôpital de dermatologie de Bamako expose dans son étude publiée en avril 2020, dans la Revue Health Sciences and Diseases, que la maladie, est fortement présente chez les Bamanan et soninké à 25%. Puis viennent, les Malinké, Peulh, Kakolo, Sonrhai, Dogon et Bobo.
La forte représentativité des Bamanan, selon le spécialiste, s’explique par le fait qu’elle est l’ethnie dominante au Mali. Également, la neurofibromatose étant une maladie génétique, la fréquence élevée des mariages consanguins peut expliquer le nombre élevé de la maladie chez les soninkés.
En effet, la consanguinité augmente le risque de malformations cardiaques, cérébrales, et d’autres maladies génétiques. Pourquoi le fait d’être cousin majore-t-il ce risque ? Quelques explications sont nécessaires pour le comprendre. Chacune de nos cellules renferme 46 chromosomes répartis en 23 paires. Dans chaque paire, un chromosome vient du père et l’autre de la mère. Chacun possède donc tous les gènes en deux exemplaires, les uns d’origine paternelle, les autres maternelle.
Or de nombreuses maladies génétiques comme la mucoviscidose, par exemple, liée à un gène défectueux, n’apparaissent que si le gène défectueux est présent en double exemplaire, dans la copie venant du père et dans celle de la mère. La mucoviscidose est une maladie génétique grave, atteignant principalement les voies respiratoires et digestives, transmise conjointement par le père et la mère.
Ainsi, si le gène défectueux de la mucoviscidose est peu répandu dans la population générale, au sein d’une famille concernée, il est sans doute présent chez plusieurs de ses membres. Mais il ne s’exprimera pas tant qu’un individu n’aura pas les deux copies du gène.
Dans le cadre d’un mariage entre deux cousins dans une famille concernée par ce gène défectueux, leurs enfants ont un risque nettement accru de recevoir ce gène muté en deux copies et donc d’être frappé par cette maladie. En clair, quand un gène responsable d’une maladie génétique existe dans une famille, le mariage entre cousins facilite l’éclosion de cette maladie.
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Cet article a été redigé par Sira Niakaté | JSTM.ORG
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Cet article a été édité par le rédacteur en chef Mamadou Togola du JSTM et approuvé pour publication par Mardochée BOLI