Hydrocéphalie: Au Mali, des chercheurs ont trouvé des causes à cette maladie
L’hydrocéphalie est une augmentation du volume de la boîte crânienne suite à un excès de liquide céphalo-rachidien, provoquant une dilatation des cavités de l’encéphale. Elle peut atteindre enfant comme adulte. Au Mali, deux études menées par Dr Houreratou Barry (de 1999 à 2004) et Dr Moussa Denou (de 2014 à 2015) ont montré que la pathologie était pour la majorité des patients, congénitale et liée aux infections néonatales.
Le crâne, outre le cerveau, contient un liquide appelé liquide céphalo-rachidien (LCR). Ce liquide se trouve autour du cerveau dans les espaces méningés, et à l’intérieur du cerveau, dans des cavités appelées ventricules cérébraux. Il permet d’absorber les coups, d’équilibrer les pressions et aussi à transporter les hormones tout en récupérant les déchets dans les différentes parties du cerveau. Un excès de production, un défaut de réabsorption ou un obstacle à la circulation normale du liquide céphalo-rachidien provoquent la survenue de l’hydrocéphalie. Dans le monde, l’incidence de la maladie dans la population pédiatrique générale n’est pas connue de façon précise. Elle est estimée à 3 hydrocéphalies sur 1000 naissances vivantes par an. « Ce nombre est beaucoup plus élevé dans les pays en voie de développement, à cause de la faiblesse du niveau de santé », soutient Dr Moussa Denou dans son étude « Prise en charge de l’hydrocéphalie chez les enfants de 0 à 5 ans au service de neurochirurgie de l’hôpital du Mali. »
Une autre étude réalisée par Dr Houreratou Barry présente une fréquence hospitalière exacte de 14 cas par an. Cette étude portait sur les hydrocéphalies en chirurgie pédiatrique à l’hôpital Gabriel Touré et à l’hôpital mère-enfant « Le Luxembourg » de Bamako. Dr Barry s’est intéressée aux patients de 0 à 14 ans. Au cours de la période d’étude, « nous avons opéré 6250 patients parmi lesquels 84 hydrocéphalies ont été recensées », explique la chercheure.
Hydrocéphalie, conséquence mécanique d’une atteinte à la santé
Vomissements, manque d’appétit, regard constamment tourné vers le bas, crises épileptiques sont les signes d’hydrocéphalie constatés chez les nourrissons et chez les enfants qui commencent à marcher. À leur âge, les os du crâne ne sont pas encore soudés. Ce qui occasionne la manifestation de la maladie. Alors que chez les enfants plus âgés et chez les adultes, les os du crâne sont soudés. Ces individus présentent une pression intracrânienne accrue du fait de l’hypertrophie ventriculaire causée par l’excès de liquide céphalorachidien, qui comprime les tissus cérébraux, occasionnant des maux de tête, des nausées, des troubles visuels, la léthargie et un manque de concentration.
« Les circonstances de découverte d’une hydrocéphalie dépendent essentiellement de deux facteurs : l’âge du patient et la rapidité d’installation de l’hydrocéphalie », détaille Dr Moussa Denou dans son étude. Lorsque la circulation du liquide céphalorachidien est bloquée dans le système ventriculaire, on parle d’hydrocéphalie non communicante cependant l’hydrocéphalie communicante se produit lorsqu’il y a absorption insuffisante du liquide céphalorachidien. La troisième catégorie de cette déformation crânienne est l’hydrocéphalie à pression normale (HPN). Elle est marquée par une augmentation de la quantité du liquide céphalorachidien dans les ventricules cérébraux avec pas ou peu d’augmentation de la pression intracrânienne. Aussi, cette dernière forme d’hydrocéphalie est observée le plus souvent chez les adultes âgés.
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De 2014 à 2015, 40 hydrocéphalies ont été opérées à l’hôpital du Mali. Et 13 parmi les malades ont contracté la maladie après la guérison de la méningite.
« Le facteur social que nous pouvons incriminer est l’application de beurre de karité sur l’ombilic des enfants » | Dr Moussa Denou
Hydrocéphalie congénitale signalée dans toutes les études au Mali
En plus de la faiblesse du niveau de santé dans notre pays, explique Dr Moussa Denou, la persistance de certaines pratiques culturelles comme les mariages consanguins contribuent aussi à la survenue de l’hydrocéphalie. Dans son étude, les peulhs représentaient la majorité des ethnies, 13 cas d’hydrocéphalie soit 32,5%, suivis des bambaras avec 10 cas, soit 25%. « Ce qui s’explique par la fréquence élevée des mariages consanguins chez les premiers et la prédominance des seconds dans la population générale du Mali », poursuit Moussa Denou.
Sur 84 hydrocéphalies opérées lors de son étude, Dr Houreratou Barry affirme que l’hydrocéphalie congénitale, héritée à la naissance, a été la forme prédominante, 54 malades soit 64%. « Dans mon étude, plus de la moitié (21 cas) concernait l’hydrocéphalie congénitale », s’étonne Dr Moussa Denou dont l’étude a été faite 10 ans après celle réalisée par Houreratou Barry.
Si la consanguinité est connue comme facteur prédictif de la survenue de l’hydrocéphalie. Les infections néonatales sont aussi incriminées dans la survenue de l’hydrocéphalie chez les nouveau-nés dans les pays en voie de développement. En Ouganda, une étude réalisée par Warf B. a trouvé 76 % d’infections néonatales sur une série d’enfants qui avaient une hydrocéphalie. Certaines pratiques culturelles des ougandais ont été indexées dans la survenue de ces infections comme l’application de bouse de bœufs à la plaie fraiche de l’ombilic pour la cicatrisation.
«Dans notre étude 27,5% des enfants avaient une notion d’hospitalisation pour infection néonatale. Le facteur social que nous pouvons incriminer est l’application de beurre de karité sur l’ombilic des enfants qui a été retrouvé chez 24 patients soit 60% », soutient Dr Moussa Denou.
L’éradication de la pathologie est-elle prévisible ?
Le traitement hospitalier des hydrocéphalies occasionne des dépenses catastrophiques en occultant les autres besoins fondamentaux pour les familles. Il fragilise le foyer et constitue une source de profondes décompensations psychologiques chez la femme. Ce sont généralement les familles les moins nanties qui en souffrent le plus. Dr Houreratou Barry a montré que 50 enfants souffrant d’hydrocéphalie provenaient de mères ménagères, ensuite 11 de mères cultivatrices, zéro du côté des femmes cadres.
La meilleure thérapeutique en cas d’hydrocéphalie est étiologique. Vu le caractère multifactoriel de l’hydrocéphalie, l’impossibilité du traitement étiologique dans certains cas, le traitement symptomatique reste souvent la seule alternative pour soulager et améliorer les conditions de vie des malades.
Afin de mieux faire face à cette pathologie au Mali, les chercheurs sont unanimes qu’il faut entre autres: former plus de pédiatres, de chirurgiens pédiatres et de spécialistes en neurochirurgie; subventionner et mettre à disposition la valve de dérivation en évitant les ruptures de stock. Aussi, le personnel de santé doit sensibiliser les femmes des moyens de prévention de la toxoplasmose pendant la grossesse. Et encourager la population à faire correctement les consultations prénatales pour faciliter le diagnostic anténatal des cas congénitaux d’hydrocéphalie.»
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Mardochée BOLI | JSTM.ORG