Mali: A Mopti, la scolarisation des filles demeure un leurre
Malgré l’engagement du gouvernement malien et ses partenaires, inscrire et maintenir une jeune fille à l’école dans la région de Mopti reste encore un parcours de combattant. Cela est due à plusieurs facteurs dont : l’insécurité, l’absence d’infrastructures et d’enseignants.
Mopti, au centre du pays, cette région est en proie à l’insécurité depuis la crise de 2012 et plusieurs écoles restent fermées. De ce fait, certaines sont devenues le dortoir des ânes comme le cas de l’école de Dioura dans le cercle de Ténenkou. Sur les 1801 écoles que comptent la région, 475 sont fermées, sevrant 50 698 élèves de l’école, explique le directeur-adjoint de l’académie d’enseignement de Mopti, Daouda Doumbia. La fermeture de ces établissements est en partie due à l’insécurité qui plane sur les élèves et les enseignants. A cela s’ajoutent l’absence de réfectoires fonctionnels et de salles de classes comme au lycée de Youwarou.
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Ici, pour sauver leurs enfants surtout les filles, les parents les maintiennent à la maison souvent, pour des raisons coutumières, culturelles et religieuses. Dans la région, le taux exact de scolarisation est largement en dessous des statistiques, soit 47,6% (filles et garçons), selon le rapport d’analyse de 2017 de l’Institut national de la statistique du Mali (INSTAT). Au niveau de l’académie d’enseignement de Mopti, aucune enquête ou rapport ne montre le taux de scolarisation des filles ou celui des déscolarisées. Réticent dans ses paroles, M. Doumbia de l’académie n’a pas souhaité nous communiquer le taux actualisé de la scolarisation des filles, mais il reconnait que plusieurs d’entre elles abandonnent l’école avant d’atteindre la 9e année du fondamental et peu d’entre elles atteignent le niveau universitaire.
Selon une source à l’académie d’enseignement de Douentza : « il est très difficile de s’exprimer sur le taux de scolarisation des filles de la région, toutefois le nombre est très bas ».
La coutume aussi
« Certains parents pensent que l’éducation des filles est un retard pour elles », témoigne Coumba Barry, ménagère et native de la région. « Selon nos investigations, j’ai compris que le vrai problème n’est pas l’insécurité seulement, mais aussi la coutume. Certains parents ne veulent pas de ce type d’éducation (l’école classique) pour leurs enfants », ajoute le responsable d’une ONG, engagée dans la promotion de l’éducation pour tous au Mali. Pour cette ONG, dont les responsables ont requiert l’anonymat, le vrai problème n’est pas leur accès à l’école, mais leur maintien. De la conduite de la jeune fille à l’école à son maintien, c’est ici que tout le problème se situe.
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Pourquoi le maintien est si difficile ?
Le maintien des jeunes filles est devenu une réelle préoccupation pour les partenaires de l’éducation au Mali. L’école est abandonnée, la plupart des cas, au profit du foyer et les tâches ménagères. Les filles sont mariées le plus souvent à l’âge de 14 ans. Une fois mariée, il est très difficile pour elles de continuer les études, ajoute cette même source. Comme en témoigne Aïssata Sow, une jeune mère, mariée à 14 ans dans le cercle de Ténenkou. Teint clair, cheveux longs, Aïssata semble être totalement occupée dans ses tâches ménagères ce jeudi.
« C’est vrai que je n’aimais pas beaucoup l’école. Mais dans notre famille, personne ne m’encourageait à aller. Finalement, j’ai arrêté d’y aller, ce qui a coïncidé avec les multiples attaques dans notre localité. Mes parents m’ont demandé de ne plus partir et c’est comme ça que je me suis mariée l’année suivante », affirme-t-elle.
Que fait le gouvernement malien?
Selon Mamadou Kanté, directeur adjoint de la direction nationale de l’enseignement fondamental au ministère de l’éducation : « nous travaillons pour l’amélioration de la situation avec l’existence de SCOFI. Un rapport d’urgence pour identifier les besoins des régions du centre (Ségou et Mopti) est réalisé en septembre 2018 dans le but de favoriser le retour des services sociaux de base (Education, Santé et Assistance humanitaire) », ajoute-il.
Toutefois, le problème de scolarisation et le maintien des jeunes filles persistent et il faut vivre dans la région pour voir les réalités en face, ajoute un enseignant du second cycle à Ténenkou ville.
Hadjiratou Maïga