Science et Société

Quelle est la vraie origine du Franc CFA ? L’économiste Lamine Kéita explique en 10 points (Acte 1)

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De l’Ecu au Franc CFA : Voici l’explication en 10 points (Acte 1)

Le franc CFA, qu’est-ce qu’il est, quelle est son origine, de quelle expérience provient-il et quelles leçons ont pu être tirées, de cette expérience ? Tels sont les questionnements au sujet desquels Dr Lamine KEITA, économiste-statisticien nous livre un éclairage en 10 points.

  1. Pour analyser l’attribution d’un nom, il est important de savoir l’histoire dont ce nom est porteur. C’est ainsi que le nom franc CFA est, à l’analyse, l’appellation première qui a été attribuée depuis le 26 décembre 1945 à la monnaie que la France a mise en circulation dans ses colonies et que 14 pays africains issues de ces colonies utilisent à ce jour en 2018.
  2. En ce qui concerne le choix du nom lui-même, il faut constater le mot « franc » qui apparaît dans l’expression « franc CFA ». Mais qu’est-ce que le franc ? En France, la première monnaie désignée franc est le franc à cheval, frappé en 1360. Il s’agit d’une pièce d’or émise pour payer la rançon du roi de France Jean II le Bon, fait prisonnier par les Anglais à la bataille de Poitiers. Sans jouer aucun rôle de monnaie, le terme perdure en tant que synonyme de la Livre Tournois de sa fabrication en 1360 jusqu’au 7 avril 1795. A cette date, par le décret du 18 germinal an III (7 avril 1795) qui a aboli le système fondé sur la livre et l’écu, le franc est choisi en remplacement de la Livre Tournois tout en jouant également le rôle d’intermédiaire dans les échanges à la place de l’écu. D’une situation comptant trois monnaies, l’économie se retrouve donc avec une seule monnaie ou monnaie unique, le franc à partir du 7 avril 1795. Mais, au préalable, qu’est-ce que la Livre Tournois et qu’est-ce que l’écu ?
  3. Au moyen-âge français, la Livre Tournois était l’unité de compte, une monnaie imaginaire servant à établir les équivalences. Le roi, conseillé par la Cour des monnaies, fixait par édit le cours de la Livre Tournois en métaux précieux. Cependant, les échanges s’effectuaient au moyen d’une seconde monnaie, une monnaie matérielle circulante appelée Ecu qui était définie comme une quantité de la première monnaie, une monnaie fictive, immatérielle, la Livre Tournois.
  4. Par moment, pour satisfaire ses besoins de financement, le Roi modifiait la définition de l’écu et son contenu en métaux précieux à la baisse. Ainsi, il retirait les pièces d’écu de la circulation et les refrappait en conformité avec la nouvelle définition de l’écu. Cette pratique, désignée dans l’histoire par l’expression le droit de seigneuriage par la refonte, lui permettait d’engranger des ressources consistantes au moyen d’une troisième voie en plus des deux voies traditionnelles connues qui sont la voie des impôts et celle de l’emprunt. Cette troisième voie  facile à mettre en œuvre ne nécessitait aucune autorisation comme les impôts. De plus elle n’affecte pas l’endettement dont l’alourdissement  ruine la crédibilité des autorités royales.
  5. Cependant, après une telle mesure consacrant la dépréciation de l’écu, s’ensuivaient un bouleversement des prix et des mouvements sociaux qui étaient violemment réprimés.
  1.  A l’analyse, il était ressorti des conclusions de l’étude sur les causes des décadences des Royaumes réalisée par N. Copernic, que la dépréciation de la monnaie présente des conséquences sociales lourdes qui font d’elle l’une des causes de la décadence des Royaumes, aux côtés de la discorde, la mortalité et la stérilité des terres. Donc si le financement du Roi au moyen de la dépréciation de l’écu, la monnaie circulante, était une opération facile à mettre en œuvre, elle restait une opération dangereuse selon les conclusions de l’étude réalisée par N. Copernic.
  2. Après la Révolution française, par le décret du 18 germinal an III (7 avril 1795) le franc, doté du décime et du centime, est choisi en remplacement de la Livre Tournois, en tant qu’unité de compte et mis en circulation en remplacement de l’écu. De plus, l’écu a été aboli et toute sous-unité du franc autre que le décime et le centime est interdite, rendant ainsi impossible la manipulation frauduleuse à laquelle était soumis l’écu.
  3. Par conséquent, en se référant à l’histoire, le franc CFA apparaît comme la deuxième monnaie qui est définie comme une quantité fixe de la première monnaie, le franc, tout comme l’écu l’était, comme quantité fixe de la livre Tournois que le franc a remplacée depuis le 7 avril 1795. Il apparait donc que ce franc CFA est la création de l’écu dans les colonies sous un nouveau nom, le franc CFA. Par conséquent, ce franc CFA ne peut que jouer le même rôle que l’écu jouait dans le Royaume de France au moyen-âge jusqu’à son abolition en 1795.
  4. Donc, si la manipulation frauduleuse à laquelle l’écu était soumis a été supprimée le 7 avril 1795 en France métropolitaine, elle est redevenue possible dans les colonies françaises 150 ans plus tard en 1945. Quinze ans, après, cette pratique a été également étendue aux pays africains de la zone franc qui sont devenus indépendants à partir de 1960.
  5. Donc, vous comprenez que si on connait le bilan du fonctionnement de l’écu au moyen-âge français, rien n’est plus facile que de comprendre ce que sera l’expérience du fonctionnement du franc CFA qui fait aujourd’hui polémique.

Téléchargé la version complète de l’étude[embeddoc url=”https://scienceetsociete.com/wp-content/uploads/2018/03/premier-article-ABC-du-franc-CFA-19-nov-2017.pdf” download=”all”]

Dr Kéita Lamine

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