Pr. Diola Bagayogo : De N’tomikorobougou au summum de la physique mondiale
Le Pr. Diola Bagayogo a été élu membre de la Société Américaine de Physique. Il a été intronisé le 03 octobre dernier. A cet effet, le Journal Scientifique et Technique du Mali lui consacre une série d’articles. Nous vous proposons un article, sur le physicien émérite, de Sidiki dit Youssouf Dembélé, Chef de la Division des Informations de la Télévision Nationale, à l’époque (Juil 2006) journalise à Les Echos. L’article est disponible sur Afribone.com.
Texte:
Diola Bagayogo est l’un des plus grands sinon le plus grand professeur distingué de physique à l’Université du Sud dans l’Etat de la Lousiane aux Etats-Unis d’Amérique. Sa dernière découverte sur les propriétés électroniques lui a valu une renommée internationale. Portrait d’un Malien particulièrement brillant.
A première vue rien ne vous prouve que vous êtes devant un éminent professeur de physique, encore moins le plus grand physicien au monde. Taille moyenne, teint légèrement clair, sac en main en cuir, le poids de ses 50 berges et poussière n’a touché en rien à sa vive allure.
D’un abord assez facile, Diola n’a opposé aucune objection à notre demande d’interview. Doté d’une intelligence hors du commun, Diola a commencé son cycle à l’école fondamentale de N’tomikorobougou, puis au lycée avant d’entrer le bac en poche à l’Ecole normale supérieure, section physique et chimie.
Avec sa maîtrise en main, le jeune professeur va enseigner pendant deux ans au lycée de Sikasso. C’est là-bas qu’il décroche en 1975 une bourse « Atlas » des USA pour poursuivre ses études doctorales aux USA. Le doctorat décroché en 1983, débute alors pour le jeune Malien une carrière professionnelle mouvementée.
« Je suis revenu en Afrique en 1983 mais pas au Mali pour une année. Je suis retourné aux USA en 84 et depuis lors je suis à l’Université du Sud qui est le seul système universitaire noir aux USA, le campus où je suis est le plus grand. Je fais des recherches et tout se passe bien », informe-t-il.
Dans cette prestigieuse université, Diola a un emploi de temps qui se calcule mathématiquement. « Le 1/4 de mon temps, je délivre des cours, les 2/4 sont consacrés à l’encadrement de mes nombreux étudiants puisque j’ai créé l’Académie de Tombouctou pour former des étudiants de façon exceptionnelle. Le dernier 1/4 de mon temps est consacré à la recherche », explique-t-il.
Florilège de récompenses
Les performances enregistrées par cette Académie lui ont valu deux prix présidentiels américains d’excellence en sciences et technologie. Qu’est-ce que ça fait d’être le plus grand physicien du monde ? A cette question, le Pr. ne peut s’empêcher de s’éclater en rires avant de nuancer un peu notre qualificatif. « Je ne sais pas si je suis le plus grand physicien du monde, mais mon ambition est en tout cas d’être parmi les meilleurs physiciens du monde dans ma spécialité qui est la physique de l’état solide ».
Depuis sa mémorable découverte sur les propriétés électroniques des semi-conducteurs en 1998 (un exercice que des prix Nobel n’ont pas réussi en 50 ans), l’homme est convoité par tous les pays développés du monde. C’est pourquoi, il ne cache pas sa satisfaction pour son métier. « C’est quelque chose de fascinant de faire de la recherche scientifique et technique », souligne-t-il.
Chercheur pas comme les autres, Diola dit vouloir détruire le mythe qui présente le chercheur comme cet individu « qui est dans un coin, qui ne parle avec personne et qui ne reconnaît pas le reste du monde. Cette image est fausse ». Optimiste, il tire sa force dans le caractère positif avec lequel il approche tout. « Ce qui me rend heureux et me fait obtenir des résultats ».
Dans l’intimité, le Pr. Bagayogo est l’un des hommes les plus heureux de la planète, un chef de famille exemplaire. Sa femme est également professeur de biochimie. Seul couac : ils ont trois enfants qui n’ont pas voulu suivre leurs traces.
L’aîné, Namory Djigui, est dans une école de médecine où il étudie la chirurgie. Sa cadette, Kelly Elizabeth, étudie le droit, le plus jeune étant un mordu des Nouvelles technologies. « Aucun d’eux n’a fait la physique, mais ça ne me décourage pas. Car la chose clé est de comprendre qu’à partir du premier jour où un enfant est né, son éducation doit commencer et elle doit être un projet continu de tous les parents. Peut-être, certains de mes petits-enfants vont faire de la physique », se console-t-il.
Un statut spécial à vie
Ceux qui espèrent voir un jour un certain Pr. Diola Bagayogo enseigner à l’Université de Bamako vont devoir attendre encore longtemps. Car le disciple du Pr. Joseph Kalawi (son directeur de thèse) n°1 en physique de l’état solide sur la planète ne croit pas tellement à cette hypothèse.
« Probablement pas. J’ai poussé des racines trop profondes aux USA et d’ailleurs, je crois que de là-bas, je pourrais probablement faire mieux pour le Mali qu’en me déracinant et en venant m’asseoir ici. Ça ne marchera pas », tranche-t-il, tout en posant une condition.
« Si le Mali s’engage à bâtir de façon sérieuse l’entreprise de l’éducation, de la science, de la technologie et la recherche scientifique et technique avec financement spécifique, je n’exclus pas la possibilité que je revienne comme chercheur. Au Mali, nous avons un potentiel énorme inexploité surtout dans le cadre de l’énergie solaire », explique-t-il.
Avec ses proches et collaborateurs, le Pr. Bagayoko, qui a cherché en vain ses défauts « même si sa femme le trouve direct, abrite et menaçant avec ses employés » estime que ce que d’autres voient comme un défaut peut bien être une qualité. Il adopte par ailleurs une attitude relativement très simple. Cela « parce que j’ai appris par une grande sagesse que si tu penses que tu veux être heureux, ça ne doit pas être très difficile de savoir que n’importe quel autre individu voudrait également être heureux. Donc, ma perception des autres est de plus en plus une réflexion de moi-même », témoigne le célèbre physicien.
Aux USA, Pr. Diola Bagayogo jouit d’un statut « particulier » qui lui donne une sécurité d’emploi, en clair, explique-t-il, « je peux m’asseoir et regarder le ciel et j’aurai mon salaire à la fin du mois. Je peux enseigner aussi longtemps que je veux… ». Qui dit mieux ?
Sidiki Y. Dembélé
/Les Echos
28 juillet 2006