Les gros bébés peuvent receler de graves problèmes de santé
Les 3e journées scientifiques de la Société camerounaise de médecine périnatale (SCMP) se sont tenues du 24 au 25 février dernier dans la salle des conférences de la Faculté de médecine et des sciences biomédicales de l’université de Yaoundé I.
J’étais parmi les nombreux étudiants, médecins, enseignants et experts qui ont pris part à cet événement consacré à la « macrosomie fœtale et néonatale ».
“La science a montré aujourd’hui que 3 macrosomes sur 4 peuvent naître par voie basse sans problème. Parce qu’en fait, il y a les macrosomes qui sont très larges qui vont nous déranger et les macrosomes qui sont très longs et sortent sans problèmes” | Valère Mve Koh, CHU Yaoundé
Pour mieux comprendre cette thématique, j’ai posé la question à Ousmane Ndiaye, chef du service de pédiatrie à l’hôpital Albert Royer de Dakar au Sénégal et invité spécial de ces journées.
« La macrosomie, dans un langage terre à terre, désigne un gros enfant. Mais sur le plan scientifique, il y a des définitions qui sont extrêmement variables. Certains pensent que la macrosomie peut être déclarée pour un nouveau-né qui a 4 kg et plus. D’autres pensent que le risque obstétrical est plus élevé à partir de 4,5 kg », me dit-il.
« Mais actuellement, dans la plupart des travaux qui sont faits, on prend comme seuil 4 kg, c’est plus simple, quel que soit l’âge gestationnel, l’âge de la grossesse », conclut le médecin. J’ai également appris que la macrosomie concerne à peu près 10% des naissances au Cameroun et qu’au-delà de ce poids, les risques sont réels.
« Un bébé qui est gros, c’est vrai qu’il est beau. Mais le risque, c’est qu’en sortant des voies génitales, il peut avoir un traumatisme, une paralysie du bras ou bien saigner au niveau du crâne, etc. Donc dans l’imaginaire populaire, on veut des bébés qui sont gros mais on ne sait pas exactement ce qu’ils vont devenir », explique Ousmane Ndiaye.
Le pédiatre relève que les bébés qui sont gros, « ce sont les bébés qui sont à risque d’être des obèses ou autre chose, parce qu’on sait aujourd’hui que toutes les maladies de l’adulte sont programmées de façon précoce ».
Toutefois, il faut faire une distinction entre « le gros bébé normal et le gros bébé qui nous pose des problèmes », relativise Valère Mve Koh, gynécologue-obstétricien en service au Centre hospitalier universitaire de Yaoundé (CHU).
« Si je prends le cas du bébé qui nous pose des problèmes. Lorsque la mère est diabétique, il y aura beaucoup de sucre dans le sang et il va utiliser ce sucre là et prendre du poids. Ce nouveau bébé court des risques énormes », déclare-t-il.
« Lorsqu’il nait, on coupe le cordon et il ne reçoit plus de sucre de sa mère alors que lorsqu’il recevait ce sucre, il avait augmenté son insuline et il aura donc beaucoup d’insuline mais le sucre que l’insuline doit contrôler ne vient plus. Il va donc faire une hypoglycémie, voire mourir », précise le médecin.
Selon le gynécologue, en médecine il faut toujours considérer qu’une situation est compliquée jusqu’à preuve du contraire. « On ne peut jamais s’asseoir et dire que ce bébé est gros et tant mieux. Il faut s’assurer au moins qu’il n’appartient pas à la catégorie du « mauvais gros bébé », soutient-t-il.
Challenges
La macrosomie fœtale et néonatale peut être causée par plusieurs facteurs, m’explique à son tour Anne-Esther Njom Nlend, la présidente de la Société camerounaise de médecine périnatale.
« Elle peut être causée par un diabète ou une obésité maternelle ou alors une prise de poids excessive pendant la grossesse », affirme la spécialiste.
« Il y a des facteurs qui sont génétiques. Il y a des familles qui font des macrosomes. Il y a surtout des facteurs qui sont liés au diabète gestationnel, lorsqu’une femme a beaucoup accouché ; pour dire que les enfants suivent une courbe ascendante en matière de poids. Jusqu’à un certain âge, le risque que l’enfant soit gros à la naissance est élevé », renchérit Valère Mve Koh.
La rencontre de deux jours a permis de répondre aux questions telles que: Comment détecter la macrosomie pendant la grossesse ? Comment s’occuper de la macrosomie au moment de l’accouchement et comment s’occuper du bébé macrosome ? Pour Valère Mve Koh, aujourd’hui, les challenges de la macrosomie sont « énormes ». Parmi ceux-ci, la prédiction de la macrosomie. Car des techniques comme l’échographie, l’IRM et même les biomarqueurs (substances qu’on peut tester dans le sang) ne permettent pas des prédictions claires.
« Du coup on fait accoucher beaucoup d’enfants par césarienne pour rien. Parce qu’on croit qu’ils sont macrosomes. On a d’ailleurs mené une étude qui montre que 57% des prédictions sont fausses et pourtant on a déjà fait l’opération », soutient-il.
« La science a montré aujourd’hui que 3 macrosomes sur 4 peuvent naître par voie basse sans problème. Parce qu’en fait, il y a les macrosomes qui sont très larges qui vont nous déranger et les macrosomes qui sont très longs et sortent sans problèmes », précise le médecin.
A l’en croire, on peut réduire le risque de gros poids en provoquant l’accouchement. « Mais il faut le faire avant la 39ème semaine de grossesse, entre la 38e et la 39e semaine », prévient-il.
Cependant, ces experts s’accordent pour dire que la prévention de la macrosomie est capitale. Elle passe par le respect des mesures hygiéno-diététiques, un bon suivi de la grossesse et une bonne formation du personnel de santé pour une prise en charge des cas de macrosomie.
Source: SciDev.net