Science et Société

Les eaux usées et les plastiques tuent le Fleuve Niger à petit feu, quelles solutions appropriées faut-il adopter ?

Aux dires des chercheurs, plus de 611.000 mètres cubes d’eau polluée sont rejetés chaque jour dans le fleuve Niger. « Cette quantité d’eau sale relativement élevée contient des eaux de ruissellement et des sachets plastiques. Toutefois…

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Aux dires des chercheurs, plus de 611.000 mètres cubes d’eau polluée sont rejetés chaque jour dans le fleuve Niger. « Cette quantité d’eau sale relativement élevée contient des eaux de ruissellement et des sachets plastiques. Toutefois, même ces eaux de ruissellement sont assimilables à des eaux usées à cause des contaminations massives des dépôts d’ordures et des eaux usées urbaines de la ville » Prof. Sidy Ba.

Le fleuve Niger fait l’objet d’une pollution croissante compromettant sa survie. Selon un environnementaliste qui a bien voulu garder l’anonymat, les riverains du fleuve Niger sont les premiers responsables de sa pollution. De jour en jour, des sachets plastiques entremêlés, des matières organiques, des métaux en décomposition et plusieurs autres déchets non biodégradables polluent permanemment le Fleuve Niger.  M. Abdourahamane Oumarou Touré, Directeur de l’Agence du Bassin du Fleuve Niger (ABFN) créée en 2002, insinue que le fleuve Niger risque de disparaître avec l’ensemble des espèces animales et végétales. Il poursuit en expliquant que “les cours d’eau risquent d’être d’une inutilité absolue du fait du niveau de la pollution physico-chimique à laquelle le fleuve est soumis par des hommes conscients des conséquences de leurs actes.» (scienceetsociete.com)

la véritable cause de la pollution du fleuve Niger

Bamako ne dispose pas de déchèterie pour une gestion optimale des ordures et n’a qu’un seul site d’enfouissement de décharge finale à Noumoubougou, actuellement fermée. Plus problématique, c’est l’absence d’une station de traitement des boues de vidange pour la capitale malienne. Les boues sont acheminées sur deux sites de la zone aéroportuaire à Gouana et Flabougou pour les y déverser à l’air libre, causant des ruissellements qui atteignent le fleuve Niger en période pluvieuse.

Des chercheurs maliens ont dénombré 94 collecteurs des eaux usées, parmi lesquels 58 aboutissent directement au fleuve Niger pour y déverser leurs eaux. « Nous sommes dans un contexte de changement climatique et de réchauffement planétaire. La conséquence, c’est que depuis les années 1970, les années de grande sécheresse, le fleuve a perdu entre 20 à 40% de ses débits, c’est-à-dire la quantité d’eau qui coule selon les sections du fleuve. Cela veut dire qu’il y a une bonne partie de l’eau qui se perd par l’évaporation et c’est le cas quand on est dans le delta intérieur du fleuve Niger dans la zone de Macina jusqu’à Tombouctou », explique Sidy Ba(sahélien.com)

Déversement des boues de vidange dans le fleuve Niger à Gouma.

À quelques dizaines de mètres des bâtiments universitaires de Badalabougou, on aperçoit une colline d’ordures “répugnantes” proche du fleuve Niger. « Chaque fois qu’il pleut, l’eau sale issue de cette décharge est acheminée directement vers le fleuve avec des sachets plastiques», témoigne Abdoulaye Bocoum, étudiant en géographie. Cette affirmation vient attester ce que disent Sidy Ba et son équipe dans leur étude baptisée « Cartographie du réseau d’égout de Bamako et évaluation des déversements des eaux usées de la ville dans le fleuve Niger. »

Un rapport scientifique de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) sur l’avenir du fleuve Niger», révèle qu’à Koulikoro, certains incidents de rejet ont entraîné une mortalité des poissons sur plusieurs kilomètres de fleuve. À Siribala, les pêcheurs observent que l’effet de la pollution, là où elle est fortement concentrée, est l’asphyxie immédiate du poisson.

Il y a trois ans, en mai 2019, de très nombreux poissons morts ont été découverts dans le fleuve Niger, à Baguineda, une ville voisine de Bamako. La vraie cause de la mort de ces poissons n’a jamais été rendue officielle. Toutefois, les autorités maliennes reconnaissent que d’importantes quantités de déchets ont été drainées par la pluie. Et des substances toxiques ont été avalées par les poissons. À cause de ces mauvaises pratiques, le fleuve se meurt petit à feu. Toutes les villes le long du fleuve, Kankan (Guinée), à Mopti ou Gao (Mali), à Niamey ou Tillabéry (Niger), Onitsha, Lokoja, Kaduna,(Nigeria) déversent directement les eaux usées et les déchets solides et en plastique  dans le fleuve.»

D’après Dr Sidy BA, «de réelles opportunités existent pour améliorer l’assainissement » de Bamako afin de préserver le fleuve Niger.

Parmi lesquelles, on note entre autres, la mise à jour ou la réalisation d’études approfondies sur le système de gestion actuelle des déchets solides et liquides de la ville de Bamako. Et, favoriser l’émergence d’une véritable industrie de la gestion des déchets qui créera des emplois stables à travers un entrepreneuriat social formel et soutenu par une volonté politique réelle.

Dans le bassin du Niger, la question de l’eau représente un défi central, qui mérite de manière urgente une approche coordonnée, intelligente et efficace, mobilisant à la fois partenaires multilatéraux, régionaux et acteurs locaux.

Vue sur le lit du Niger ©Salomon Guindou

Les conséquences sur la santé humaine et animale

« D’après l’Organisation mondiale de la Santé, 80% des maladies infectieuses dans le monde sont des maladies d’origine hydrique. Vous et moi, on est à Bamako ici, on a le robinet à la maison. Mais combien de campements, combien de villages utilisent directement l’eau du fleuve encore pour leur boisson, cuisine et tout ? Donc ça veut dire que chaque fois qu’on continue de polluer l’eau, on met en péril la santé de la population riveraine de ce fleuve. Et je vous assure que nous-mêmes qui avons l’eau traitée, plus la charge de pollution augmentera, moins efficace sera le système de traitement en ce moment. Donc, nous pouvons bien avoir des contaminations de l’eau du fleuve si la pollution continue à s’accroître », ajoute l’enseignant chercheur Sidy Ba.

« Si les eaux ne sont pas traitées, elles ont des conséquences diverses. Il y a le problème d’épidémie, les maladies d’origine hydrique, et le grand problème, c’est la pollution même du fleuve Niger quand ces eaux ne sont pas traitées et sont directement déversées dans le fleuve. Cela peut être un grand danger dans le fleuve, qui aura un impact sur les animaux aquatiques, notamment la faune et la flore », souligne Sidi Yéhiya Maïga, Directeur adjoint de l’Agence pour la gestion des stations d’épuration du Mali (ANGESEM).

La mise en place des mécanismes dans le cadre du principe préleveur-pollueur-payeu

Il faut des actions d’aménagement des berges pour limiter les dégâts. « Si nous prenons simplement l’aspect prélèvement, il y a beaucoup d’offices de développement ou des sociétés d’exploitation qui prennent de l’eau de l’eau et qui vendent à des tierces personnes ou à des consommateurs, mais qui, aujourd’hui, ne rétrocèdent rien dans le cadre de la sauvegarde du fleuve. Il y a aussi des situations de pollution pour lesquelles les pollueurs ne sont pas mis à contribution pour réparer leurs dégâts. Donc, on ne peut pas rester dans l’expectative. Il faudrait que nous ayons des moyens législatif et réglementaire pour essayer de mettre à contribution, à la fois, les préleveurs et pollueurs dans le cadre de la sauvegarde du fleuve », indique Moussa Diamoye, Directeur adjoint de l’Agence du bassin du fleuve Niger (ABFN). (sahélien.com)

Il faut aussi développer le civisme dans le pays à tous les niveaux en plus des moyens législatifs et réglementaires pour sauver ce patrimoine fluvial sur lequel repose l’économie de plus de 80% des populations riveraines. « Le sachet d’eau qu’on jette par terre et qui se retrouve dans le fleuve contribue à la pollution du fleuve. C’est de mieux traiter nos ordures. Le remplissage des caniveaux par les ordures ménagères, en le faisant, on ne se rend pas compte qu’on entrave à un patrimoine qui nous sauve la vie.» Dia Yaye Sacko, membre de la plateforme Save Fleuve Niger. (source : sahelien.com)

Fabrice NOUZIANYOVO, JSTM

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