L’écimage du coton : une pratique « très économique pour le paysan »
Dr Daouda Maïga et ses collègues chercheurs de l’Institut d’Economie rural (IER) étudient depuis 2014, au Mali, la technique de l’écimage qui consiste à couper la tête ou cime du cotonnier dix jours après l’apparition de la première fleur. Les résultats des travaux ont montré des avantages appréciables pour les paysans.
Vêtu d’une chemise blanche et d’un pantalon jeans, Daouda Maïga, entomologiste et responsable du volet entomologie à la station de recherche de N’Tarla à l’IER, sillonne les rangés de cotonniers dans un espace d’expérimentation à Sikasso. Visiblement, très heureux du travail de son équipe… « L’écimage est l’un des meilleurs moyens qui permettent de réduire l’impact des principaux ravageurs du cotonnier » explique-t-il avec un sourire rassurant.
Cette technique manuelle (l’écimage) « très ancienne et facile à mettre en œuvre » est connue des agriculteurs depuis 1861. Au Mali, la pratique a repris en 2002 à l’IER avec Dr Idrissa Téréta et Dr Alain Renou (tous à la retraite). Douze ans plus tard, d’autres études entreprises par l’IER dans le cadre du projet PASE II ont apporté une innovation à la pratique : « c’est le traitement sur seuil».
« La technique a pour finalité de permettre aux producteurs d’avoir un revenu important, tout en réduisant les impacts environnementaux de la culture du coton à travers des économies d’insecticides », a expliqué à JSTM, Pr Mamy Soumaré, Coordinateur de la Composante Recherche & Développement du projet d’appui à la transition agroécologique en zone cotonnière du Mali (AgrEco).
« Notre technique a permis d’augmenter le nombre de branches fructifères du cotonnier de huit (08) à vingt-trois (23) en moyenne et de réduire le nombre de traitements insecticides de six (06) à quatre (04) voire moins si elle est associée au traitement sur seuil », se réjouit Daouda Maïga. Ce qui augmente évidemment, le rendement et réduit l’utilisation des pesticides ayant des effets néfastes sur la santé humaine, sur l’environnement, et diminue les coûts de production pour le paysan.
Cependant, pour bénéficier de tous les avantages de l’écimage, le respect d’un minimum d’exigence est nécessaire, insiste l’entomologiste Daouda Maïga : « l’écimage de cotonnier doit être associé à des interventions sur seuil et se faire à la bonne date. »
Le paysan et son flair
En effet, le cycle du cotonnier dure en moyenne, en fonction des variétés, 120 jours, avant la maturation des premières capsules. « Le seuil est atteint lorsqu’on remarque la présence d’au moins trois chenilles ravageurs (les piqueurs-suceurs) sur les cinq premières feuilles dans un espace contenant 25 pieds de cotonniers », explique Daouda Maïga. Puis ajoute-t-il, « pour réduire les agressions des ravageurs il faut couper la tête du cotonnier, à partir du soixante cinquième (65e) jour, soit 10 jours après l’apparition de la première fleur. »
Salifou Bagayoko et son jeune frère Oumar Bagayoko, tous deux cultivateurs de coton à Faragouaran, un village du secteur de la Compagnie malienne pour le développement des textiles (CMDT), à Bougouni, ont fait l’expérience dans leur champ. « Le résultat est spectaculaire » témoigne Salifou.
« Dans mon champ d’un hectare de cotonniers, j’ai essayé l’écimage sur un quart d’hectare. A vrai dire, il y a moins de dépenses à faire pour un champ écimé qu’un champ non écimé. Et, les capsules de coton du champ écimé étaient plus volumineuses, plus blanches que les autres. Ce qui a fait que nous avons récolté plusieurs kilogrammes de coton que d’habitude », se réjouit Salifou. Mais son jeune frère bien que satisfaire du résultat, n’a pas manqué d’expliquer que « la technique demande assez de main d’œuvre et une attention particulière du paysan. »
Interrogé par JSTM, Pr Mamy Soumaré reconnaît que « la réalisation de l’écimage à une date précise demande une main d’œuvre au sein de l’exploitation, à une période où d’autres travaux sont à faire. » Toutefois, lorsque « l’écimage est pratiqué à 100% sur tous les plants, il permet de réduire à 65% les populations des ravageurs par rapport aux parcelles non traitées, d’augmenter le rendement et d’améliorer la longueur de la fibre de coton. »
L’écimage est « une technique salutaire, surtout en ce moment où l’efficacité de la lutte chimique systématique contre les ravageurs du cotonnier est régulièrement remise en cause dans notre pays », affirme le biologiste Hamadoun Babana du Laboratoire de recherche en Microbiologie et Biotechnologie microbienne de Bamako (LaboREM-Biotech). Mais, l’expert indépendant s’interroge « si le fait de couper la tête du cotonnier ne laisse pas une porte ouverte à d’autres pathologies. »
Selon Pr Mamy Soumaré « cette inquiétude a été prise en compte dans les travaux antérieurs qui ont montré que l’écimage effectué à la bonne date n’affecte pas la santé des plants de cotonniers ce qui a conduit les chercheurs à mettre la technique en diffusion. »
Actuellement, les producteurs de coton fondent un grand espoir sur cette nouvelle technique dont la diffusion à grande échelle se fait présentement par la CMDT, l’Office de la haute vallée du Niger et la Confédération des sociétés-coopératives des producteurs de coton, dans le cadre du projet AgrECo.
Mardochée BOLI | JSTM.ORG