La radicalisation des jeunes au Mali : « le référent religieux occupe moins de place dans l’engagement des jeunes » (Sociologue)
Soixante-et-trois jeunes « ex-engagés », c’est le nombre issu de la note d’analyse d’août 2016 de l’Institut d’Etudes de Sécurité (ISS) basée à DAKAR .Comptant pour le projet «jeunes-chômage-radicalisation», cette enquête a été financée par l’Agence Japonaise pour la Coopération Internationale et le centre de Recherche et de Développement International (CRDI) du Canada avec la collaboration de chercheurs Maliens dont le docteur Fodié TANDJIGORA ,sociologue ,enseignant à l’université de Bamako qui nous a accordé un entretien .
Que faut-il comprendre par radicalisation ?
Docteur Fodié TANDJIGORA : Malheureusement pour le cas du Mali, c’est la connotation religieuse qui a pris le dessus. On s’est rendu compte que plusieurs d’entre eux se sont radicalisés dans le crime. La radicalisation est un comportement extrême qui peut être d’ordre politique, social, religieux ou dans toute autre idéologie sans mesure.
A combien estimez-vous le nombre de jeunes radicalisés ?
Dr Tandjigora : quant au nombre de jeunes engagés, nous ne pouvons pas donner de chiffres parce qu’il faut les dénombrer d’abord pour avoir une idée de ce qu’ils représentent. Les effectifs restent importants.
Qu’est-ce qui poussent les jeunes à la radicalisation ?
Les raisons sont multiples, pour le cas spécifique du Mali, celles qui reviennent assez souvent sont sociologiques, elles sont nées de la marginalisation et de la frustration de certaines populations qui ont trouvé dans ces mouvements, les moyens de rehausser leur statut social. L’argent attire aussi quelques jeunes à être des informateurs ou poseurs d’explosifs. Il faut noter également la faillite de l’Etat dans son rôle de sécurisation des personnes et de leurs biens dans certaines zones du centre et du nord. Le sentiment d’insécurité causé par l’absence de l’Etat a motivé le ralliement d’autres jeunes pour la protection de leurs communautés.
Quelle est la part du religieux dans ces engagements ?
Dr Tandjigora :
Contrairement à ce qui est véhiculé dans les médias, et les échos qui nous parviennent d’ailleurs, au Mali, le référent religieux occupe moins de place dans l’engagement des jeunes, nous avons recueilli des témoignages d’ex-engagés qui ne priaient pas. Toutefois, une minorité est séduite par le discours religieux faute d’une connaissance islamique.
Quelles solutions proposez-vous pour lutter contre la radicalisation ?
Dr Tandjigora : Il faut renforcer l’autorité de l’Etat. Pendant très longtemps l’Etat a compté sur l’esprit pacifique, voire pacifiste des citoyens mais avec les évènements que le Mali a vécus, on s’est rendu compte que l’Etat n’était plus auprès des populations, notamment celles du delta où le phénomène radical s’intensifie.
Il est important de trouver des alternatives économiques pour faciliter l’insertion des jeunes surtout ceux du septentrion, bien que 60 à 70% des projets y soient localisés, la demande d’emploi reste forte.
Autre facteur essentiel, même si la religion n’est pas la cause principale de radicalisation dans le contexte Malien, la réglementation des prêches s’avère être une nécessité, l’Etat doit envisager des mesures restrictives pour les cadrer.
Entretien réalisé par Aly Bocoum, Stagiaire JSTM