La mucuna et le brachiaria, deux plantes miracles pour les cultivateurs et éleveurs maliens
Les technologies de culture des plantes mucuna et brachiara sont déployées dans plusieurs communes du Mali. Leurs utilisateurs sont ravis de leurs multiples avantages.
Au cours des cinquante dernières années, le Mali a connu trois grandes sécheresses, en 1973, 1984 et 2004. « Il pourrait connaitre en 2025 un quatrième épisode de sécheresse » alertait à l’époque Famouké Traoré, chercheur à l’Ecole nationale d’ingénierie (ENI) de Bamako, dans son étude de 2004 intitulée Etude des perspectives de changement climatique au Mali.
« Ces différentes crises observées ont eu des impacts sur les pâturages, alors que l’élevage constitue la seconde activité économique du secteur primaire » rappelle l’agrométéorologiste Daouda Zan Diarra dans un rapport publié sur le site de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification.
En effet, quand les mois secs arrivent, l’eau se raréfie, les plantes meurent, et les animaux maigrissent, agonisent et périssent par manque d’herbe ou de breuvage. En 2010, le pays avait perdu 21 pachydermes dans le Gourma, une région située à environ 800 kilomètres de Bamako.
Querelles entre cultivateurs et éleveurs
Dans les villages de Bougouni, au sud-est de Bamako, « cultivateurs et éleveurs se querellaient à chaque fois et en venaient souvent aux poings », se souvenait Siaka Samaké, maire sexagénaire de la commune de Faragouaran dans le cercle de Bougouni, rencontré lors des journées inter-paysannes en octobre. Les premiers se plaignaient parce que les éleveurs, ne trouvant pas d’herbe pour alimenter leurs bétails, laissaient leurs animaux pâturer dans les champs des cultivateurs.
Pour tenter de mettre fin à ces conflits, des chercheurs étrangers (Ghana, Burkina, Cameroun) et maliens de l’Institut international de recherche sur les cultures des zones tropicales semi-arides (ICRISAT) et de l’Institut d’économie rurale (IER) du Mali ont développé en 2014, dans les régions de Sikasso et Koutiala, des techniques de production et d’utilisation de la mucuna et du brachiaria.
Objectif ? Permettre aux éleveurs d’avoir du fourrage tout le long de l’année et aux cultivateurs d’accroitre le rendement de leur production à travers la fertilisation du sol.
La mucuna est un type de haricot rampant, tropical, originaire d’Afrique, d’Inde et du sud de la Chine. « Elle a été introduite au Mali depuis de longue date pour l’alimentation des animaux, mais à cause de la méconnaissance des techniques de production, elle n’a pas connu de succès », rappelle Coulibaly Doubangolo, zootechnicien des systèmes d’élevage à l’IER.
Le brachiaria est quant à lui, une graminée herbacée, semi-érigée à rampante, originaire d’Afrique centrale (Burundi, Rwanda). Il se développe en touffes qui s’étalent sur le sol quand il n’est pas coupé, formant ainsi un tapis dense.
« Depuis que nous avons commencé à appliquer les techniques de cultures enseignées par les chercheurs de l’ICRISAT et l’IER, la mucuna et le brachiaria ont réduit les conflits à Faragouaran », témoigne Siaka Samaké, qui manifeste sa joie par des claquement de doigts. Cette maitrise « a permis aux éleveurs de disposer d’animaux bien engraissés surtout en période de la tabaski (fête du mouton), célébrée chaque année par tous les fidèles musulmans », se réjouit aussi Seybou Diawara, maire de la commune de Kouroulamini, à 150 km de Bamako, où l’ICRISAT a installé un parc technologique.
De multiples avantages
C’est un lieu où les chercheurs apprennent aux agriculteurs les techniques de gestion de la fertilisation des sols et de production de fourrage pour nourrir le bétail. On y trouve aussi des variétés de sorgho à double usage (soubatimi, peke, fadda, tandiougoucoura…) et des cultures fourragères pour animaux (mucuna, niébé et brachiaria).
« Nous sommes devenus comme des ‘chercheurs’ depuis l’ouverture de cet espace dans notre village », considère Bassiriba Samaké, un agriculteur de 51 ans de Dieba, dans le cercle de Bougouni. Ce paysan a bénéficié d’une formation pour accroître sa production en fourrage et prévenir la dégradation de ses terres agricoles. « Grâce à la mucuna, j’ai pu nourrir mes animaux tout le long de l’année 2021 », glisse-t-il dans un sourire. « La mucuna a fait grossir mes moutons et leur a donné la force de résister aux maladies », ajoute Kalifa Samaké, agriculteur de 42 ans au teint hâlé de M’Pessoba dans le cercle de Koutiala.
La mucuna et le brachiara ne sont pas seulement utiles pour l’alimentation du bétail. Lorsqu’ils poussent, ils recouvrent totalement le sol en l’enrichissant en matière organique et en azote. Ces deux plantes permettent ainsi d’améliorer les rendements et de diminuer le ruissellement et l’érosion.
« Le brachiaria », ajoute Dr Akinseye Folorunso Matthew, un agroclimatologue ghanéen à l’ICRISAT, « est aussi capable de décompacter les sols, de les restructurer et de recycler efficacement des nutriments« . Mamy Soumaré, chercheur à l’IER, indique enfin que « lorsque la mucuna est cultivée en association avec le maïs, la couverture rapide du sol par la mucuna réduit les herbes sauvages dans le champ et permet donc une réduction de la demande en main d’œuvre pour les travaux d’entretien ».
Mardochée Boli