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Enquête/ Les énergies renouvelables peu adaptées au développement de l’Afrique

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L’industrialisation en Afrique est un sujet de grande complexité, intrinsèquement lié aux défis énergétiques auxquels le continent est confronté. Selon de nombreux experts, pour que le continent atteigne un niveau d’industrialisation comparable à celui des autres régions du monde, il est crucial de s’appuyer sur les énergies fossiles ou nucléaires, avec une moindre part accordée à l’hydroélectricité. Cette position repose sur plusieurs arguments qui soulignent les limites des énergies renouvelables, particulièrement dans le contexte de l’industrialisation africaine.

L’insuffisance de l’offre énergétique en Afrique

La question de l’insuffisance de l’offre énergétique est centrale dans le débat sur l’industrialisation de l’Afrique. En 2024, la consommation moyenne annuelle d’électricité par habitant en Afrique subsaharienne se situe à 190 kWh, la plus faible parmi les différentes régions du monde, selon l’Agence internationale de l’énergie.

A titre de comparaison, la consommation annuelle moyenne d’électricité par habitant dans le monde est de 21 039 kWh. Sur le continent africain, seuls 50,6 % des habitants avaient accès à l’électricité en 2021, un chiffre qui illustre l’ampleur du défi à relever.

Les délestages fréquents qui sont devenus une réalité quotidienne dans de nombreuses régions sont symptomatiques de cette insuffisance. Par exemple, en République démocratique du Congo (RDC) où seulement 20,8 % de la population a accès à l’électricité, les délestages sont monnaie courante. Selon Ephraïm Balole, directeur général de la centrale hydroélectrique de Matebe à Goma, ces interruptions de courant sont principalement dues à l’exploitation à surcapacité des installations existantes, aggravée par les aléas de l’hydroélectricité.

Les limites de l’Hydroélectricité

L’hydroélectricité, bien qu’elle soit une source d’énergie renouvelable importante pour de nombreux pays africains, présente des contraintes significatives. La dépendance à l’hydroélectricité signifie que ces pays sont fortement affectés par les variations saisonnières du débit des rivières, comme l’explique Balole. Durant les périodes d’étiage, lorsque les niveaux d’eau sont bas, la production d’électricité diminue, exacerbant les problèmes de délestage.

Un exemple frappant de la vulnérabilité de l’approvisionnement énergétique en Afrique est celui du Niger. En temps normal, les habitants de Niamey, la capitale, subissent en moyenne quatre coupures d’électricité par jour.

Cependant, depuis le coup d’État de juillet 2023, la situation s’est encore aggravée en raison de la suspension de l’approvisionnement en électricité par le Nigeria voisin sur lequel le Niger dépendait largement. Cette crise a mis en lumière la fragilité des infrastructures énergétiques du Niger et la nécessité de diversifier les sources d’énergie.

La faillite des politiques publiques

Les problèmes énergétiques en Afrique subsaharienne ne peuvent être uniquement attribués à des contraintes techniques. Ils sont également le résultat de politiques publiques défaillantes. Mohamed Al Mansour de l’ONG Timidria, souligne que la situation actuelle reflète un manque de vision et d’anticipation dans la gestion des questions énergétiques. En particulier, il déplore le déficit de compétences techniques et la mauvaise gestion des ressources naturelles locales telles que l’uranium et le charbon pour produire de l’énergie.

Sandrine Mubenga, directrice générale de l’Autorité de régulation du secteur de l’électricité en RDC partage ce point de vue, affirmant que le sous-investissement chronique dans les infrastructures énergétiques est au cœur du problème.

Selon elle, la vétusté des infrastructures, l’insuffisance de la maintenance et l’absence de planification stratégique sont autant de facteurs qui contribuent à la crise énergétique.

L’importance des investissements dans les infrastructures

L’un des défis majeurs auxquels l’Afrique subsaharienne est confrontée est la difficulté à mobiliser les fonds nécessaires pour construire, maintenir et réhabiliter les infrastructures énergétiques. Le projet Grand Inga en RDC par exemple est un mégaprojet hydroélectrique qui, s’il était réalisé pourrait transformer le paysage énergétique du continent. Cependant, faute de financements, ce projet peine à voir le jour.

Le financement des infrastructures énergétiques reste un enjeu majeur. Bien que certains projets comme le projet Yelen Sira au Mali, financé par la Banque mondiale en 2023 aient vu le jour, ces initiatives restent insuffisantes par rapport aux besoins colossaux du continent.

Selon Mohamed Lamine Kourouma, enseignant-chercheur en Guinée, il est impératif que les Etats africains prennent en main leur avenir énergétique en investissant de manière soutenue dans leurs infrastructures.

Le secteur privé comme solution

Face à la rareté des fonds publics, de nombreux experts suggèrent que les Etats africains se tournent vers le secteur privé pour financer les infrastructures énergétiques. En RDC par exemple, des dizaines de microcentrales ont été développées par des entreprises privées ou en partenariat avec l’Etat, comme la centrale hydroélectrique de Busanga, inaugurée en 2023.

Cependant, le secteur privé ne peut pas résoudre à lui seul les défis énergétiques du continent.

Sandrine Mubenga explique que plusieurs facteurs freinent l’arrivée de grands investisseurs, notamment la prudence face à un nouveau marché, les défis liés au niveau de vie relativement bas de la population et les obstacles logistiques. De plus, la fiscalité étouffante dans certains pays comme le déplore Ephraïm Balole, décourage les investisseurs potentiels.

Les énergies renouvelables : Une solution viable ?

Les énergies renouvelables, bien qu’elles soient souvent présentées comme la solution au problème énergétique africain ne sont pas sans limites.

Selon Ute Collier de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA), l’Afrique dispose d’un potentiel énorme en matière d’énergies renouvelables, notamment solaire et éolienne. Cependant, la mise en œuvre de ces technologies à grande échelle est entravée par un manque d’investissements et de soutien financier.

De plus, il existe des préoccupations concernant la fiabilité des énergies renouvelables pour soutenir le développement industriel. Par exemple, les petits systèmes solaires, bien qu’efficaces pour fournir de l’électricité à des foyers individuels ne sont pas capables de soutenir des industries à forte intensité énergétique.

C’est pourquoi certains experts, comme ceux de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) plaident en faveur d’un mix énergétique qui inclut également le nucléaire pour garantir une production stable et résiliente.

Le rôle du nucléaire dans l’industrialisation de l’Afrique

Le nucléaire est de plus en plus perçu comme une option viable pour soutenir l’industrialisation de l’Afrique. L’énergie nucléaire offre une source d’électricité stable et à faible émission de carbone ce qui est crucial pour le développement économique et industriel.

En 2022, le président du Ghana a décrit le nucléaire comme la clé de l’agenda de transition énergétique et du plan d’industrialisation du pays.

En Afrique du Sud, le nucléaire joue également un rôle central dans la stratégie de réduction de la dépendance au charbon. Le pays prévoit de réhabiliter la centrale nucléaire de Koeberg et d’augmenter la part des énergies renouvelables dans son mix énergétique d’ici 2030.

La mutualisation des ressources énergétiques

Une autre stratégie pour résoudre le problème énergétique en Afrique est la mutualisation des ressources.

Mohamed Lamine Kourouma suggère que les Etats africains se regroupent pour concevoir et réaliser des projets d’électrification à l’échelle sous-régionale. Des exemples réussis de cette approche existent déjà comme les centrales hydroélectriques de Manantali et de Félou qui desservent plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest.

Cependant, une dépendance excessive à l’hydroélectricité présente des risques, comme le souligne l’AIEA. La variabilité des conditions climatiques peut affecter la production d’électricité, rendant nécessaire la diversification des sources d’énergie.

Conclusion

L’industrialisation de l’Afrique est un processus complexe qui nécessite une approche équilibrée et diversifiée en matière de production d’énergie. Bien que les énergies renouvelables offrent un potentiel considérable, elles ne peuvent à elles seules soutenir le développement industriel du continent. Les énergies fossiles, le nucléaire et l’hydroélectricité joueront tous un rôle crucial dans ce processus.

Pour que l’Afrique atteigne ses objectifs de développement, il est essentiel que les gouvernements africains investissent dans leurs infrastructures énergétiques, explorent les possibilités de financement privé et travaillent ensemble pour mutualiser leurs ressources.

En parallèle, il est important de développer des politiques publiques efficaces et de renforcer les compétences techniques locales pour garantir une gestion durable et équitable des ressources énergétiques du continent.

Mohamed Compaoré avec SciDev.Net

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