En Afrique, les moustiquaires servent de plus en plus à attraper du poisson
Selon une étude, les communautés de pêcheurs du Malawi utilisent des moustiquaires imprégnées d’insecticide destinées à la prévention du paludisme, comme filets de pêche.
La même tendance a également été observée au Cameroun, où la pratique est répandue.
Dans l’ensemble de l’Afrique subsaharienne, les efforts soutenus pour prévenir la transmission du paludisme par les moustiques ont abouti à distribuer à la population plus d’un milliard de moustiquaires imprégnées d’insecticide .
Mais l’étude ajoute que malgré la distribution d’environ 28 millions de moustiquaires traitées à l’insecticide entre 2004 et 2017 au Malawi, le paludisme reste un problème majeur dans le pays.
Selon l’étude, publiée dans l’édition du Malaria Journal datant du 18 septembre, des chercheurs ont découvert que les les communautés de pêcheurs du Malawi utilisaient des moustiquaires imprégnées d’insecticide pour la pêche et à d’autres fins, notamment en agriculture.
“Dans certaines communautés de pêcheurs, nous avons pu voir des moustiquaires neuves converties en filets ou utilisées pour le séchage du poisson.” | Don Mathanga, Université du Malawi
« Dans certaines communautés de pêcheurs, nous avons pu voir des moustiquaires neuves converties en filets ou utilisées pour le séchage du poisson », déclare Don Mathanga, co-auteur de l’étude et directeur du Malaria Alert Centre de l’Université du Malawi.
Don Mathanga ajoute que les moustiquaires ne sont efficaces que si elles sont utilisées à grande échelle, car elles protègent les personnes qui les utilisent, mais ont également un effet sur l’ensemble de la population, si la couverture est élevée.
« Lorsque les moustiquaires sont retirées pour être utilisées à d’autres fins, cela signifie que la couverture diminue et que les effets au niveau de la population ou même au niveau individuel sont réduits. La lutte contre le paludisme est alors affectée », explique-t-il.
Les chercheurs ont eu recours à 15 discussions de groupe impliquant 146 participants et à des méthodes d’observation pour collecter des données sur cinq sites, représentant les régions du nord, du centre et du sud du pays.
La collecte des données a eu lieu en octobre 2017.
L’étude a identifié les problèmes économiques et l’insécurité alimentaire comme les principales raisons de l’utilisation abusive des moustiquaires traitées.
« Lorsque le personnel de santé distribue les moustiquaires pour la prévention du paludisme, les acquéreurs viennent cajoler les gens pour qu’ils vendent leurs moustiquaires afin qu’ils puissent les utiliser dans le cadre d’activités liées à la pêche », a déclaré un répondant de sexe masculin.
« Ils viennent persuader les gens de vendre, alors à cause de la pauvreté, les gens vendent pour acheter du sel ou de la farine de maïs ».
Eliningaya Kweka, professeure agrégée en entomologie médicale à l’Institut de recherche sur les pesticides tropicaux d’Arusha, en Tanzanie, s’est félicitée des recherches sur l’utilisation abusive des moustiquaires.
« Dans les zones lacustres des pays d’Afrique de l’Est, l’utilisation abusive des moustiquaires pour la pêche est un problème au sein des communautés », a déclaré Eliningaya Kweka à SciDev.Net.
« Les gouvernements devraient appliquer des mesures strictes à la base contre l’utilisation abusive des moustiquaires. »
Eliningaya Kweka estime qu’il devrait y avoir une politique régissant la disponibilité des filets de pêche standard dans tout le pays, en les rendant disponibles à un prix subventionné par le gouvernement.
Malumbo Mtete, chercheur en biomédecine à la clinique Kande sur les rives du lac Malawi, dans le district de Nkhata Bay, a ajouté qu’il était nécessaire de mettre en place des interventions visant à modifier les comportements des bénéficiaires de moustiquaires dans les zones de pêche.
Malumbo Mtete affirme que les mauvaises pratiques pourraient dissuader les donateurs de financer la fourniture de moustiquaires gratuites pour la lutte contre le paludisme.