Dr Guida Landouré, de la génétique pour expliquer les maladies spirituelles et surnaturelles
Guida Landouré est un spécialiste dans la prise en charge des maladies neurologiques héréditaires considérées au Mali comme des maladies spirituelles ou surnaturelles, contractées à cause du mauvais sort.
« Nous sommes sur le point de faire une nouvelle découverte », informe le neurogénéticien, assis dans son bureau à l’étage supérieur du bâtiment « Neurologie » au Centre Hospitalier Universitaire du Point G. « Une découverte qui permettra sur le plan recherche de conforter notre institution sur la scène internationale », indique-t-il, fixant du regard une représentation du squelette humain, probablement faite de caoutchouc, et suspendue à une barre de fer posé sur son bureau.
Selon le chercheur, 3 à 4 nouveaux gènes ont été identifiés par les résultats préliminaires d’une étude en cours sur une épilepsie familiale, une myopathie congénitale et une paraplégie spastique héréditaire (maladie qui affecte les muscles de la jambe). « Ce sont des gènes jamais découverts auparavant comme étant des causes de maladie », affirme Guida Landouré. Ça permettra, ajoute-t-il, aux patients de savoir de quoi ils souffrent.
« Plus on connait les gènes, plus on connait leur fonctionnement, mieux on trouve des médicaments », assure le chercheur. La thérapie génique, une stratégie thérapeutique qui consiste à utiliser les gènes comme médicament a progressé ces dernières années. Et la liste des maladies curables s’allonge à l’image de l’amyotrophie spinale progressive qui a un traitement. Cependant, explique Landouré, à ce jour « beaucoup de maladies génétiques n’ont pas de médicaments ». Dans ce contexte, expliquer à la population de quoi elle souffre, est un « grand pas ».
Expliquer par la science…
Généralement, explique Landouré, nos populations attribuent les maladies héréditaires entraînant des déformations osseuses ou une épilepsie non curable au mauvais sort ou aux mythes. Les patients et leurs familles sont ainsi stigmatisés et mis de côté par la société. Pourtant, « ces maladies s’expliquent scientifiquement. »
« Notre démarche consiste à expliquer à la population pourquoi un enfant est infecté et non un autre. L’étude que nous menons a donc un impact scientifique et un impact social », indique le généticien.
Au Mali, la fréquence des maladies génétiques dans la population n’est pas connue. A la création de son laboratoire dédié à l’étude de la génétique, Landouré a entrepris de faire le screening (répertorier) des patients qui venaient dans les hôpitaux avec des antécédents familiaux. « On les enrôle et on fait les tests des gènes connus, puis on poursuit avec la recherche de nouveau gène pour les cas négatifs », explique le chercheur.
Ce travail a débuté avec le Pr Moussa Traoré, que Guida Landouré appelle affectueusement son « mentor ». Grâce à ce dernier, Dr Landouré a pu bénéficier d’une bourse d’étude des National Institutes of Health (NIH) des Etats Unis.
Environ 400 familles souffrant de ces maladies ont été enrôlées à travers le Mali. « Pour avoir une idée du nombre de malades au Mali, il faut multiplier ce nombre de famille par 2 à 3 », affirme Dr Landouré. Dans chacune des familles identités, il y a une moyenne de 2 à 3 malades. Cependant, à cause de l’insécurité, les populations à partir de Mopti ne sont pas accessibles sauf les malades qui pouvaient se déplacer par leurs propres moyens étaient dépistés. Dans les années à venir, espère Landouré, le Mali aura une fréquence nationale des maladies neurologiques héréditaires.
Des traitements coûteux…
Natif de Djenné (région de Mopti), Guida est à la base un médecin généraliste. Sa thèse, en 2002, sur les tumeurs cérébrales déterminera sa trajectoire professionnelle. Bénéficiaire d’une bourse de visiteur stagiaire en 2004 avec le NIH des Etats Unis, il s’envole de là plus tard (2008) pour un PhD en Neurologie et Génétique Médicale à l’Universty College London, l’une des plus prestigieuses universités au Monde. En juillet 2011, il soutient, une thèse sur la maladie de Charcot-Marie-Tooth type 2 à travers laquelle il découvre un nouveau gène pour un type de neuropathies héréditaires les plus fréquentes. Elle touche les nerfs périphériques qui contrôlent les mouvements musculaires et ceux qui véhiculent les informations sensorielles vers le cerveau.
De retour au Mali la même année, Dr Guida Landouré alterne entre pratique de la médicine et l’enseignement à la Faculté de Médecine. Avec l’aide des partenaires comme les Instituts américains de la santé (NIH) et le Human Heredity and Health in Africa (H3-Africa), Guida a fait installer un laboratoire de recherche en neurologie avec des équipements de pointe. Une unité de bio-informatique permet de faire l’analyse des séquençages des nouveaux gènes identifiés. Cette unité participe aujourd’hui à la recherche mondiale de traitement contre les maladies neurologiques.
« On a identifié des gènes nouveaux, mais aussi de nouveaux variants dans de gènes connus qui n’avaient pas été décrits en Afrique auparavant », affirme le chercheur. Nos étudiants et jeunes chercheurs ont reçu des prix de meilleurs abstracts et de bourses de voyage pour la présentation de leurs travaux. Pour certaines de ces maladies, il y a un traitement. Mais ce traitement est coûteux et couvert par les assurances maladies dans les pays occidentaux. « Ces médicaments doivent être aussi accessibles aux malades en Afrique. Selon le chercheur, des pourparlers sont en cours avec des organisations internationales de défense des malades pour permettre un accès des africains à ces médicaments.
Une bonne nouvelle cependant pour certains malades maliens ! un traitement par la voie orale d’acide folinique, utilisé ailleurs, avait montré, selon Dr Guida, une amélioration du tableau clinique chez un patient atteint d’épilepsie familiale.
Mamadou TOGOLA