Des chercheurs maliens inventent un piège anti-moustique révolutionnaire
Pour lutter contre le paludisme au Mali, une équipe de chercheurs maliens en partenariat avec la firme israélienne Westham Innovations développe une nouvelle technologie capable d’éliminer plus d’un tier de la population de moustiques.
Saviez-vous qu’avant d’aller piquer quelqu’un, le moustique a toujours besoin d’un bon repas sucré ? Ce sucre lui permet d’avoir de l’énergie pour voler. C’est à partir de cette connaissance que les chercheurs ont pu développer un outil à base du sucre stocké dans des alvéoles artificiels de couleur noir, placées dans un endroit en dehors des habitations humaines.
Ce mélange attire les moustiques pour les empoisonner grâce à un insecticide qu’il contient. « Nous avions appelé cette technologie ‘‘Station attractive à base de sucre toxique’’ ou ‘‘Appâts à base de sucre attractif et toxique’’ (ATSB) », indique à JSTM, Dr Mahamoudou Touré, médecin épidémiologiste et chef de projet au Centre universitaire de recherche clinique.
« Déjà qu’on sait que les moustiques ont besoin de sucre. Et grâce à des recherches antérieures, on connait l’odeur qui les attire. Nous avons donc ajouté le dinotéfurane à un mélange de jus de fruits qui tue les moustiques à un temps record s’ils prennent le produit », explique Mahamoudou Touré.
Le dinotéfurane est un insecticide créé pour lutter contre des insectes ravageurs. Il agit sur l’insecte en entraînant une perturbation du système nerveux et la mort. Mélangé au sucre, « il entraine une mort immédiate du moustique. »
Tout ce qui est fait pour le moment n’est que des essais. Il faut attendre en fin d’essai afin de voir la balance entre le bénéfice et le risque. – Pr Ousmane Koita, Directeur du LBMA
Dernière phase vers l’homologation de la technologie par l’OMS
La technologie est le résultat de 10 années de recherches. Cependant, les essais sont toujours en cours. Les deux premières phases de l’étude ont permis de réduire de 34% la population de moustiques dans les zones d’étude. Pour la troisième phase, l’expérimentation à grande échelle sera effectuée dans 76 grappes (de petits villages) du Mandé qui recevront toutes des moustiquaires imprégnées. Ensuite, « les stations seront déployées dans 38 villages. Dans 38 autres villages, il n’y aura pas de stations. A la fin de cette période, on saura l’impact de la technologie sur la réduction du nombre de cas de paludisme », a expliqué Dr Mohamed Traoré, expert en Santé environnementale et membre de l’équipe de recherche.
« Cette phase ouvrira la voie vers l’homologation de la technologie par l’Organisation mondiale de la santé », a précisé Mohamed Traoré.
Interrogé par JSTM, l’expert indépendant, Pr Ousmane Koïta, pharmacien biologiste, 63 ans, responsable du laboratoire de biologie moléculaire appliquée (LBMA), de l’Université des sciences, des techniques et technologies de Bamako est plus ou moins sceptique, mais garde l’espoir que la technologie peut jouer un rôle fondamental pour lutter contre le paludisme au Mali.
« Tout ce qui est fait pour le moment n’est que des essais. Il faut attendre en fin d’essai afin de voir la balance entre le bénéfice et le risque. Si le risque est plus grand, c’est une technologie à abandonner, mais si le bénéfice excède le risque, je pense que c’est une bonne technologie » a exposé Pr Ousmane Koïta.
Des risques environnementaux ?
Depuis plus d’une décennie, les programmes de lutte antivectoriels sont dirigés contre les maladies transmises par les moustiques, la résistance aux insecticides et l’impact environnemental sur les organismes non ciblés. Dans le cadre de la technologie à base de sucre attractif et toxique développée par Mahamoudou Touré et son équipe, les abeilles, les lucioles, les mouches, entre sont entre autres des insectes non ciblés exposés au dinotéfurane.
Mais, Dr Mahamoudou Touré, rassure que des études effectuées ont montré que la technologie mise au point n’est pas toxique pour l’homme et n’attire pas des insectes autres que les moustiques. Dr Mahamoudou Touré a précisé que « tous les risques ont été évalués avant de passer à la phase clinique ».
Mardochée Boli
Cet article a été validé pour publication par Mardochée Boli