Consommation de la drogue au Mali: Une étude fait le lien entre le phénomène et l’emploi
Longtemps, le Mali a été considéré comme un pays de transit de la drogue en provenance des pays côtiers pour l’Europe. Puis, depuis 2012, avec la crise sécuritaire, le pays est devenu une zone de production de drogue, notamment de cannabis. Plus récemment, un rapport de la Commission Ouest Africaine des Drogues (WACD) a montré que le Mali, comme d’autres pays de l’Afrique de l’Ouest, est maintenant une zone de consommation.
Mais qui sont les consommateurs de drogue au Mali? Et comment prévenir l’expansion de ce fléau? L’une des premières études à ce sujet vient d’être réalisée à Sikasso, dans le sud du pays. Elle révèle un fort lien entre la consommation de drogue et la précarité de l’emploi. «Étude de base sur la consommation de drogue dans la Commune urbaine de Sikasso». C’est l’intitulé de l’étude restituée à la presse le 11 juin 2018. Elle a été réalisée par Younoussa Sidibé, médecin généraliste à l’hôpital de Sikasso.
L’approche «boule de neige»
La première étape de l’enquête n’était pas la plus simple. Il fallait trouver suffisamment d’usagers de drogue à interroger: des résidents de la ville de Sikasso, âgés d’au moins 15 ans et, évidemment, volontaires. Les enquêteurs ont d’abord approché quatre ‘’leaders’’ usagers de drogues. Avec leur aide, ils ont établi une liste de zones fréquentées par les consommateurs. En plus de ces sites, indique Younoussa Sidibé, certains domiciles ont été indiqués pour rencontrer des consommateurs. L’approche «boule de neige» a permis, de proche en proche, de recruter les autres volontaires, et de porter à 208 le nombre de questionnaires remplis.
Situation professionnelle et revenus des usagers de drogues
L’analyse des données recueillies à l’aide de ce questionnaire, grâce à un logiciel spécialisé a permis d’établir que ces consommateurs de drogue sont jeunes: 93,30% d’entre eux ont moins de 45 ans et 71,20% sont célibataires. Ce qui est inquiétant dans l’étude, surtout dans un pays à fort taux de chômage comme le Mali, c’est le lien entre consommation de la drogue et l’emploi. 58,65% des répondants ont en effet déclaré un revenu mensuel inférieur à 50 000 Francs CFA, et 31,25 % d’entre eux n’ont même aucun revenu régulier. Ils sont pour la plupart des apprentis chauffeurs, des chauffeurs, des coxeurs (courtiers)…
Selon le spécialiste, cette consommation de drogue est soutenue, entre autres, par la prolifération des sites d’orpaillage et par l’insuffisance de débat sur les problématiques du trafic et de la consommation de drogues. Il y a aussi, relève l’étude, un tabou autour de la question, et la population, majoritairement d’origine rurale, ne mesure pas les méfaits des drogues pour la santé individuelle et collective. Comme conséquence de la consommation de la drogue, l’étude pointe son impact négatif sur l’atteinte des Objectifs du Développement Durable par le Mal à l’horizon 2030.
Cette étude a été réalisée grâce à un partenariat entre l’ONG ORFED et la fondation OSIWA pour la réalisation d’un projet de plaidoyer dont l’objectif est d’améliorer la législation malienne sur les drogues. Elle comporte donc un volet de recommandations vis-à-vis du gouvernement. En particulier, Younoussa Sidibé insiste sur l’importance de l’insertion socio-économique des consommateurs de drogue et, de façon préventive, sur la création d’emplois stables pour les jeunes du secteur informel. Il préconise aussi la création de centres de prises en charge pour les drogués en lieu et place de la prison systématique.
@mamadou_togola