CNAM: 84 ans de veille sur la santé des Maliens !
Anciennement appelé Institut Marchoux, le Centre national d’appui à la lutte contre la maladie (CNAM), dans sa configuration actuelle, est né le 15 août 2001. Au cours des décennies, ce n’est pas seulement l’appellation du centre qui a changé, ces missions ont aussi évolué avec le temps.
Le CNAM est en sursis. A 84 ans, le Centre national d’appui à la lutte contre la maladie (CNAM) a besoin d’un nouveau souffle. C’est d’ailleurs sous la conduite d’un de ses anciens directeurs, en l’occurrence le Professeur Samba Sow que le Conseil des ministres a adopté le 06 mars 2019, une réforme visant à le fusionner avec d’autres structures de santé. En attendant, la disparition définitive du CNAM, JSTM vous fait découvrir, l’histoire de l’ «Institut Marchoux», l’une des plus veilles instituions de recherche au Mali.
Un refuge pour les lépreux
Inauguré le 31 janvier 1935, l’Institut Central de la Lèpre de l’Afrique Occidentale Française devient en 1945, Institut Marchoux. Il prend ainsi le nom du médecin bactériologiste français Emile Marchoux. En 1960, l’Institut Marchoux devient l’un des instituts membres de l’Organisation de Coordination et de Coopération pour la lutte contre les Grandes Endémies (OCCGE), au même titre que l’Institut d’ophtalmologie tropicale de l’Afrique(IOTA), l’organisme de la recherche en alimentation et nutrition africaine de Dakar (ORANA) ou encore le Centre Muraz de Bobo-Dioulasso où se trouvait le siège de l’OCCGE.
Cet alliage offre à l’Institut Marchoux une dimension internationale en devenant un Centre collaborateur de l’Organisation Mondiale de la Santé, dans le cadre de la mise au point de la polychimiothérapie anti-lépreuse (PCT). Cependant, la fin de l’OCCGE en 1998 voit la scission de l’Institut en deux entités distinctes: l’Observatoire de la Lèpre en Afrique (OLA), à vocation sous régionale et l’Hôpital Marchoux, rétrocédé au Mali le 13 mars 1998. Conformément aux recommandations de la 42ème Session du conseil d’administration de l’OCCGE.
En décembre 2000, la création de l’Organisation Ouest Africaine de Santé (WAHO) par la fusion de la West African Health Community (WAHC) et l’OCCGE a eu pour conséquence la rétrocession des centres et instituts aux pays d’implantation. Ainsi, le Mali fusionne et nationalise l’Observatoire de la Lèpre en Afrique et l’Hôpital Marchoux par la création le 10 février 2000 du Centre National de lutte contre la Lèpre. Suite à une restructuration de la Direction Nationale de la Santé Publique, il est apparu nécessaire de créer un centre couvrant un plus large spectre de maladies, en vue de mieux renforcer les capacités. Le Centre National d’Appui à la lutte contre la maladie (CNAM) voit donc le jour le 15 août 2001.
Les missions du CNAM
Etablissement public à caractère scientifique et technologique (EPST), l’ordonnance n° 036 du 15 août 2001, portant création du CNAM définit ses missions. Il s’agit entre autres: de la formation médicale continue (FMC); de la Promotion de la recherche sur les maladies endémo épidémiques; du Maintien des acquis en matière de recherche de formation et de lutte contre la lèpre, contre le paludisme, contre la tuberculose, les affections à VIH / SIDA, l’onchocercose, la trypanosomiase et autres pathologies apparentées. Le CNAM est aussi chargé: du développement des capacités des agents de santé; de la recherche en matière de vaccinologie; de la promotion de la coopération nationale et internationale et de l’appui aux structures sanitaires périphériques en matière de lutte contre la maladie.
Aux dires du Pr. Abdel Kader Traoré, ancien Directeur du CNAM, Dans le cadre de ses missions, le CNAM a réalisé entre autres: l’élaboration et la mise en place de stratégies et d’outils de dépistage, de prévention des épidémies et de contrôle des maladies transmissibles; la mise en place d’un « pôle d’excellence » de surveillance, de formation et de recherche sur les maladies transmissibles et les maladies de la peau; le développement de la recherche vaccinale nationale (essais au laboratoire et de terrain) sur les maladies transmissibles et le développement de nouvelles technologies adaptées à nos réalités de terrain.
«Nous-mêmes, on ne connait pas encore notre sort » | Drissa Diarra, DGA du CNAM
L’Institut Marchoux a pendant des décennies été à la pointe de la lutte contre la lèpre en Afrique. Cependant, ces dix dernières années, le Centre National d’Appui à la lutte contre la Maladie (CNAM), comme l’a dénoncé un de nos confrères, a cessé d’être un «espoir pour les malades». «Les produits pharmaceutiques disparaissent mystérieusement, les malades sont libérés de manière précoce et le personnel soignant brille par la négligence et l’absentéisme», rapporte le journal.
En 2019, le budget annuel du CNAM est estimé à 1,3 milliard FCFA contre 1,2 milliard FCFA en 2018. Malgré un taux d’exécution de 97,% de son budget 2018, le CNAM est confronté à des défis. «De nombreux défis restent à relever dans les domaines de la recherche, la formation continue, l’appui aux programmes et les soins médicaux», a indiqué Drissa Diarra, Directeur général Adjoint du centre à la 28e session du Conseil d’administration. Le DGA n’a pas caché à JSTM que depuis 2017, il n’y a pas eu d’activités de recherche au CNAM.
Le Centre National d’Appui à la lutte contre la Maladie à l’instar de plusieurs institutions de recherche connaît des dysfonctionnements. Une réalité qui a obligé le gouvernement à prendre, le 06 mars 2019, une décision radicale: fusionner 07 instituts de recherche sur la santé pour donner un seul et unique institut. Ainsi, l’Institut national de Recherche en Santé publique; le Centre de Recherche, d’Etudes et de Documentation pour la Survie de l’Enfant; l’Agence nationale de la Sécurité sanitaire des Aliments; le Centre de Développement des Vaccins; le Centre national Influenza; le Centre de Pharmacovigilance; le Département des Opérations d’urgences de Santé publique du Centre national d’Appui à la Lutte contre la Maladie vont fusionner pour donner l’Institut national de Santé publique.
En plus de perdre son Département des Opérations d’urgences de Santé publique, le Centre national d’Appui à la Lutte contre la Maladie va perdre aussi l’une de ses principales missions à la création prochaine de l’Hôpital de Dermatologie de Bamako. Des décisions qui font réagir le Directeur général adjoint sur l’avenir du CNAM. «Nous-mêmes, on ne connait pas encore notre sort», lance-t-il à JSTM, dans son bureau, assis au milieu de piles de documents.
Mamadou TOGOLA