Cette plante a-t-elle des vertus thérapeutiques contre la drépanocytose?
À en croire une déclaration devenue virale sur Facebook, une fameuse plante permettrait de guérir complètement la drépanocytose.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), plus de 330.000 nourrissons naissent chaque année avec des troubles de l’hémoglobine, dont 83% avec une drépanocytose.
C’est donc à dire que l’enjeu est de taille et alors, si ce post était avéré, le contrariant problème de cette maladie qui a des conséquences aussi bien sur le plan sanitaire que social ―en empêchant des mariages de se lier― sera une fois pour de bon, réglé. Face à cet enjeu, une enquête a été menée…
“Myrianthus arboreus P Beauv”, tel est le nom scientifique de la plante dont, les feuilles sont montrées dans le post et qui, serait le remède miracle contre la drépanocytose.
La drépanocytose ou “anémie falciforme” est une maladie héréditaire non contagieuse qui touche les globules rouges, dont le rôle est de transporter l’oxygène dans le sang. Elle connaît les taux de prévalence les plus élevés en Afrique où l’on enregistre entre 150.000 et 300.000 naissances homozygotes par an.
Il existe deux formes de drépanocytose : la drépanocytose hétérozygote (dite AS) et la forme la plus sévère, la drépanocytose homozygote (dite SS).
Pour les personnes nées avec cette seconde forme, le requiem est plutôt dit car la violence de la maladie réduit drastiquement leur espérance de vie, surtout dans les pays à revenus faibles et intermédiaires où les infrastructures médicales sont pour la plupart du temps, précaires.
« L’espérance de vie des personnes atteinte de drépanocytose en Afrique est autour de 20 ans en moyenne », révèle Constant Vodouhé, neurobiologiste à Strasbourg dans une interview accordée à Jeune Afrique. Et il est à noter que le continent africain est l’un des foyers originels de la mutation drépanocytaire selon l’Organisation mondiale de la santé.
En plus d’être consommées dans des soupes, les jeunes feuilles de Myrianthus arboreus, encore appelé arbre à pain indigène, sont utilisées dans des préparations dans plusieurs pays de la sous-région en prophylaxie ou en traitement de plusieurs maladies.
Quant à son utilisation dans le traitement de la drépanocytose, l’information vient de faire surface avec ce post.
Alors, l’arbre à pain, de son nom scientifique Myrianthus arboreus P Beauv, est-il un remède contre la drépanocytose?
« La drépanocytose est une maladie génétique qui ne se guérit pas, à moins qu’on ne fasse une greffe de cellule souche hématopoïétique », déclare d’emblée Yacouba Diallo, responsable du comité scientifique de l’Association malienne de lutte contre l’hémophilie et les autres coagulopathies.
L’institut français de la santé et de la recherche médicale (INSERM) confirme dans un article consacré à la drépanocytose que « le seul traitement curatif actuellement disponible contre la drépanocytose est la greffe de moelle osseuse ».
Adoptant une attitude moins tranchée, le professeur Mamadou Koumaré, ancien conseiller régional au bureau de l’OMS en Afrique et chargé des technologies sanitaires modernes et traditionnelles, explique que « les mêmes plantes portant les mêmes noms et poussant à des endroits différents, peuvent ne pas avoir les mêmes vertus; en cela, on ne peut pas tout de suite confirmé ou infirmé que le myrianthus arboreus ne lutte pas contre la drépanocytose, sans essais scientifique ».
L’arbre à pain, une plante aux nombreuses vertus
Il est établi que le Myrianthus arboreus est utilisé pour traiter la dysenterie, la diarrhée, le vomissement, les troubles cardiaques, les complications liées à la grossesse, la dysménorrhée et les hernies naissantes.
En outre, plusieurs études réalisées par de nombreux scientifiques révèlent la composition chimique et confirment certaines utilisations traditionnelles du Myrianthus arboreus.
L’étude publiée dans le Journal de l’agriculture et de la science vétérinaire de l’Organisation internationale de la recherche scientifique (International organization of science research — IOSR) indique que le Myrianthus arboreus a des quantités appréciables de nutriments tels que le calcium, le potassium et le fer.
Une autre étude réalisée par huit (08) chercheurs d’universités camerounaises et sud-africaines et publiée sur ResearchGate, renforce la théorie de l’utilisation traditionnelle, selon laquelle l’extrait aqueux de Myrianthus arboreus, augmente l’indice de fertilité et le taux de gestation.
« Lorsqu’on s’intéresse à la composition chimique de ladite plante, on trouve effectivement des flavonoïdes et des tanins retrouvés dans d’autres plantes utilisées en Afrique de l’Ouest comme le Zanthoxylum Zanthoxyloides Fagara, qui auraient une certaine activité inhibitrice de la falciformation, mais il n’y a à ce jour, aucune étude documentée sur l’utilisation de Myrianthus arboreus chez le drépanocytaire », expose l’hématologue Dapa Diallo, ancien chef du service d’hématologie-oncologie médicale du centre hospitalier universitaire du Point G, à Bamako.
« On ne peut donc pas la proposer comme une recette qui guérit la drépanocytose », tranche alors le spécialiste, qui est aussi l’ancien directeur général du Centre de recherche et de lutte contre la drépanocytose (CRLD) au Mali.
Guérison et soulagement des symptômes: faire le distinguo
« Les traditherapeutes confondent très souvent disparition des symptômes et guérison d’une maladie », souligne Yacouba Diallo, qui clarifie la notion de guérison.
« Selon la définition médicale, il y a guérison lorsque les symptômes et la cause de la maladie disparaissent », explique Yacouba Diallo.
Ainsi, face aux efforts colossaux des tradithérapeutes pour essayer de juguler cette maladie, l’expert démontre que « tous les médicaments traditionnels vendus au Burkina, au Bénin et ailleurs en Afrique sont des anti-inflammatoires qui calment la douleur, mais ne guérit pas la maladie ».
Dans la même veine, la Communauté d’intérêt de la dermatose drépanocytaire et de la thalassémie (IST EV) indique clairement dans une fiche dédiée à la drépanocytose qu’on ne peut pas agir sur les causes de la maladie, mais on peut traiter les symptômes en soulageant les douleurs en période de crise et prévenir au mieux les infections graves.
Toutefois, l’approche phytothérapeutique semble montrer ces dernières années, des avancées notables avec la validation in vitro de l’activité antifalcémiante de plusieurs plantes utilisées en médecine traditionnelle africaine contre la drépanocytose et l’isolement de quelques molécules actives. « C’est le cas par exemple du moringa morindoïdes dont l’activité antidrépanocytaire par les tradipraticiens a été confirmée in vitro en utilisant les tests d’Emmel et d’hémolyse », explique le traditherapeute Lassana Sidi Mouleikafou.
Nonobstant ces avancées en matière de phytothérapie, en ce qui concerne le Myrianthus arboreus, il n’existe à date, aucune preuve scientifique de son efficacité dans le traitement de la drépanocytose.
« La chose à faire pour mieux vivre la maladie est évidemment d’avoir une bonne hygiène de vie avec une alimentation équilibrée, une hydratation régulière et importante, et éviter les efforts physiques violents ou brusques », conseille Constant Vodouhé.
L’arbre à pain est beaucoup plus présent dans la ceinture forestière d’Afrique tropicale qui s’étend de la longitude de la Guinée et de la Sierra Leone jusqu’au Soudan du Sud et en Éthiopie vers l’est et un peu en descendant vers le sud, il est localisé en République Démocratique du Congo en Tanzanie et en Angola.
La science établi donc qu’en dehors d’une greffe de moelle osseuse, aucun autre moyen ne permet de guérir la drépanocytose à ce jour; Et donc le Myrianthus arboreus P Beauv ne guérit pas complètement la drépanocytose .
Article écrit par Mardochée Boli et publié aussi sur PesaCheck