Ces aliments qui favoriseraient le sommeil
Les industriels de l’agroalimentaire ne manquent pas d’imagination ! Voici l’arrivée de jus relaxants à base de mélatonine (Solevita) et de barres de céréales (NightFood) promettant de ” combattre les petites faims nocturnes ” et ” favoriser un meilleur sommeil “. De quoi ringardiser la verveine du soir ! En Amérique latine, la marque All-Bran de Kellogg’s a même refait le packaging de ses céréales avec un design lunaire les présentant comme un véritable repas du soir ” permettant d’améliorer la digestion ” !
Après l’industrie pharmaceutique, l’agroalimentaire espère ainsi à son tour faire de ce besoin physiologique qu’est le sommeil, un marché florissant. Une tendance qui arrive tout juste en Europe et pourrait bientôt débarquer en France. L’enjeu est de taille, car les Français dorment de moins en moins bien : un sur cinq souffre d’insomnie et la moitié d’entre eux considèrent son sommeil insuffisant (1). Attention toutefois à ne pas se laisser bercer par ces ” marchands de sable “. Respecter un régime alimentaire propice au sommeil suffit bien souvent – en dehors de toute pathologie – à passer une bonne nuit.
La mélatonine, essentielle pour s’endormir…
Cette hormone est devenue en quelques années la substance phare pour qui cherche à mieux dormir. Le groupe allemand Lidl l’a bien compris avec sa marque Solevita qui, en Espagne, propose des jus de pomme et de poire relaxants à base de mélatonine. À cela rien d’étonnant puisqu’elle joue un rôle clé dans la régulation des rythmes circadiens dont dépend le sommeil. Naturellement synthétisée, sous l’influence de l’obscurité, par la glande pinéale logée dans le système nerveux central, elle indique au cerveau qu’il est temps de se caler sur le mode nuit/sommeil. La synthèse de mélatonine provoque les bâillements et facilite l’endormissement en abaissant la température centrale, la pression artérielle et le taux de cortisol, l’hormone de l’éveil synthétisée à partir du cholestérol. Inscrite sur la liste II des substances vénéneuses, la mélatonine est donc prescrite pour le traitement des insomnies (Circadin, 2 mg).
… mais pas toujours bien utilisée
Par ailleurs, ” l’hormone du sommeil ” est disponible en vente libre à plus faible dose (1 mg au maximum), sous le statut de complément alimentaire. Avec 0,5 mg de mélatonine par bouteille de 33 cl, le jus relaxant Solevita respecte donc les normes, à condition de ne pas en abuser. Attention aussi à son mésusage. ” La mélatonine peut être une solution pour recaler l’horloge biologique des personnes en jet-lag [décalage horaire], des travailleurs de nuit ou des couchetard qui ont besoin de se lever tôt. Elle doit être prise au moment du coucher, sans dépasser les 1 mg. En revanche, elle n’a pas démontré d’efficacité chez les personnes qui ne parviennent pas à s’endormir en raison du stress de la journée, note Carmen Schröder, pédopsychiatre au CHU de Strasbourg et membre de la Société française de recherche et médecine du sommeil (SFRMS). Mais elle peut également être à l’origine de maux de tête, et provoquer des interactions avec certains médicaments comme les antiépileptiques ou les antidépresseurs. “
Des céréales pour en-cas
La marque AllBran et les barres NightFood jouent, elle, sur l’idée qu’un petit en-cas avant de dormir maintiendrait la satiété jusqu’au réveil. Les céréales apportent en effet des glucides complexes, lesquels induisent de façon continue la production d’insuline, une hormone qui régule le taux de sucre sanguin (glycémie), prévenant les fringales nocturnes. Elle augmente également la concentration de tryptophane, un acide aminé précurseur direct de la sérotonine, neurotransmetteur favorisant l’arrivée du sommeil (2). Les cookies N’dreams de Nightfood renferment aussi 6 g de fibres, lesquelles facilitent le transit intestinal, et du magnésium, un oligoélément bénéfique en cas de stress, grâce à ses effets sur la relaxation musculaire. Toutefois, prudence avec ces barres chocolatées censées être ” moins sucrées qu’une tasse de lait écrémé “. Le Midnight Chocolate Crunch de la même marque affiche 8 g de sucre par barre ! Avec 140 kcal pour 40 g, ces aliments de nuit pourraient peser sur la balance, à défaut de faire dormir.
Le pouvoir des plantes relaxantes
L’ennemi n° 1 du sommeil étant le stress, les marques tirent aussi profit de l’image relaxante des plantes médicinales en les intégrant à la composition de leurs produits de nuit. C’est le cas du nouveau jus de Lidl qui contient des extraits de valériane (Valeriana officinalis), recherchée pour son pouvoir sédatif. Cette plante lutte contre la nervosité et l’anxiété en favorisant l’endormissement sans créer d’effet d’accoutumance (3).
Aussi l’Agence européenne du médicament (AEM) lui reconnaîtelle un usage médical dans le soulagement des troubles mineurs du sommeil et de la tension nerveuse. Mais, avec seulement 0,1 % d’extraits de plante par bouteille de 33 cl, son efficacité risque d’être toute relative.
Revenir à des principes de base
Réel coup de pouce ou simple effet marketing ? « Il faut revenir aux principes. Un menu adapté, associé à de bonnes habitudes comportementales, contribue pour une grande part à un sommeil paisible et réparateur », tempère la Dr Joëlle Adrien, présidente de l’Institut national du sommeil et de la vigilance (INSV). À commencer par l’heure du dîner. Celui-ci doit être pris deux à trois heures avant le coucher, le temps que la digestion démarre. Mieux vaut aussi éviter les aliments contenant de la tyrosine, comme les viandes rouges, car ils risquent de retarder l’endormissement. Cet acide aminé est précurseur de la synthèse de l’adrénaline, de la noradrénaline et de la dopamine, des hormones qui stimulent l’attention et la vigilance (4). Sans oublier de modérer l’alcool et d’éviter les excitants comme la caféine ou la nicotine qui induisent des microréveils durant la nuit.
NEUROTRANSMETTEUR Substance chimique fabriquée par l’organisme qui permet aux neurones de communiquer entre eux. On en compte une soixantaine (sérotonine, dopamine, adrénaline…).
RYTHME CIRCADIEN Il est défini par l’alternance entre la veille et le sommeil. Il est d’environ 24 heures et peut varier d’un individu à l’autre.
HORLOGE BIOLOGIQUE Ensemble des mécanismes qui rythment les différentes fonctions de l’organisme : éveil et sommeil, pression artérielle, température corporelle, libération d’hormones, etc. Elle siège dans l’hypothalamus. Elle est mise « à l’heure » chaque jour sous l’influence de la lumière et de l’activité physique.
Des glucides au dîner et en cas de fringale
« Se contenter d’un yaourt et d’une salade ne suffit pas à faire face aux dix heures de jeûne de la nuit. Le corps risque de manquer d’énergie et le sommeil d’être perturbé. Le menu idéal pour le dîner doit donc être composé de féculents, tels que les pommes de terre, les pâtes, le quinoa ou le riz, d’une portion de légumes et d’un peu de protéines comme du poisson, de la viande blanche ou des oeufs. Si toutefois une petite faim nocturne survient et qu’il reste encore plusieurs heures à dormir, il faut encore privilégier les glucides complexes, qui apportent une sensation de satiété. Ils vont aider à finir la nuit. Quant aux glucides simples, ils permettent de se rendormir facilement. Un petit gâteau sec ou une tisane au miel, c’est parfait ! »
Par Sylvie Boistard
(1) Institut national du sommeil et de la vigilance (INVS).
(2) Effects of tryptophane on human sleep, Borbély A. et al, Interdisciplinary Top, 1987.
(3) Plantes sédatives : évaluation pharmacologique et clinique, Hennebelle T., Sahpaz S. et Bailleul. F, Médecine du sommeil, juillet-août-septembre 2007.
(4) Influence de la nutrition sur le sommeil et la vigilance, Guezennec C. Y. et Duclos M., Les Cahiers de nutrition et de diététique, 2005.
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