Science et Société

Au Mali, les agriculteurs souffrent du dérèglement climatique

Comment lutter contre la sécheresse ? C’est la question que se posent des agriculteurs et scientifiques maliens.

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« L’an dernier, les récoltes de mil et de sorgho étaient catastrophiques à cause du manque d’eau », se souvient Idrissa Traoré, un jeune agriculteur malien. Lui-même avait déjà subi de lourdes pertes en 2019 dans sa culture de maïs sur l’hectare de sa parcelle.

Le Mali fait partie des pays d’Afrique subsaharienne les plus vulnérables au changement climatique selon plusieurs études citées dans la thèse de Christelle Makougoum, « Changement climatique au Mali : impact de la sécheresse sur l’agriculture et stratégies d’adaptation“ qui date de 2018. Ce pays du Sahel, comme ses voisins, a une agriculture grandement pluviale avec des cultures de mil, sorgho, maïs, coton, haricot.

Le changement climatique a bouleversé les rendements des agriculteurs ces dernières années, ce qui fait peser sur le pays une forte menace d’insécurité alimentaire. L’an dernier, Diakaridia Diarra, un agriculteur près de l’aéroport de Bamako, n’a récolté que deux-cinquième de la production de maïs attendue « car les pluies ont cessé de tomber plutôt que prévu ».

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Pour Alhousseini Bretaudeau, agronome et professeur à l’Institut polytechnique rural de formation et de recherche appliquée, « les sécheresses contribuent à dégrader l’environnement alors que les inondations peuvent, dans certains cas, assurer une régénération de ce même environnement ». Mais pour Abdoulaye Sanago, technicien d’agriculture et du génie rural à Banco arrondissement de Djohila, « les ruissellements et les inondations font descendre plus profondément les éléments nutritifs du sol qui ne peuvent alors plus servir les plantes ».

Le maraichage n’est pas épargné à cause des nappes phréatiques qui se vident rapidement en cas de sécheresse. Au-delà des cultures, le dérèglement climatique touche aussi l’élevage, avec la nourriture des animaux qui peut manquer lorsque la sécheresse fait disparaitre les herbes dans les brousses.

Selon la thèse de Christelle Makougoum, une politique d’« adaptation et d’atténuation pourraient » aider à réduire l’impact négatif du changement climatique. Pour parvenir à ce résultat, il faudrait passer par la modification des « pratiques de production, développer de nouvelles technologies, modifier les modes de cultures régionaux et les habitudes de consommation et de production ».

Des barrières de cailloux

Abdoulaye Sanago cite quelques pratiques et technologies de résilience agricole qu’il propose aux agriculteurs. « Contre les vents violents, je préconise les haies vives ou mortes qui consistent à entourer son champ d’arbres », donne-t-il comme exemple. Face à la sécheresse, récurrente dans le Sahel, les techniques comme le zaï (des petits trous servant à planter les semences) et les demi-lunes, aident les agriculteurs à retenir l’eau aux pieds des cultures. « Contre les ruissellements, je conseille aussi des barrières en cailloux », ajoute-il.

Des plantes peuvent également s’adapter comme les arbres acacia du Sénégal qui existent désormais au Sahel, ou comme certaines variétés du sorgho d’après Abdoulaye Sanogo. Idrissa Traoé espère surtout que « l’Etat mettra en place des programmes d’adaptation pour nous, les agriculteurs, comme des systèmes d’irrigation qui permettent d’avoir accès à l’eau pendant toutes les saisons ».

Malgré les preuves scientifiques établissant un lien entre la pollution engendrée par l’homme sur la planète et le changement climatique, certains agriculteurs maliens pensent que ce phénomène est dû à d’autres facteurs. Comme Noumory Doumbia, paysan à Banco Coura, un village à une dizaine de kilomètres de Bamako. « Il n’y a plus de charité au Mali, les gens se n’aiment plus, nous n’agissons plus avec justice ni avec droiture, tout ceci ne peut avoir qu’un impact sur la pluviométrie », juge l’homme assis dans son jardin.

De son côté, Lassinè Faronta estime que l’homme ne peut rien contre les impacts du changement climatique. « L’agriculture est un travail de hasard, et ce sont les fait de Dieu quand nos cultures sont détruites par les fortes pluies », croit-t-il.

Aboubacar Kanoute

 

Aboubacar Kanoute est malien. Âgé de 25 ans, il est journaliste à la radio Savoir FM au Mali. Il est passionné du MOJO (journalisme mobile), de radio et d’art.

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