A Kita, des chercheurs alertent sur la présence de substances cancérigènes dans les pâtes d’arachide
Une étude réalisée par des chercheurs maliens issus de différentes institutions scientifiques dont l’agence nationale de la sécurité sanitaire des aliments a mis en évidence des aflatoxines de types B1 dans les pâtes d’arachide consommées à Kita, une ville située à 190 km de Bamako.
« J’adore la sauce arachide », glisse dans un sourire Aminata Traoré, 33 ans, une restauratrice résidant à Kita. Dans son restaurant, Aminata cuisine sa sauce avec de la pâte d’arachide qu’elle achète très généralement au marché. « On fabrique la pâte à partir de l’arachide plantée au Mali », se réjouit-elle.
Si l’arachide est la légumineuse la plus cultivée et beaucoup appréciée à cause de la sauce arachide communément servie avec du riz, «sa qualité demeure l’une des préoccupations des Maliens. Car les mauvaises conditions de transformation, d’hygiène, de stockage et de vente constituent des sources potentielles de contamination chimique et biologique », expose Dr Koné Salimata de l’agence nationale de la sécurité sanitaire des aliments. Elle est co-auteure de l’étude baptisée « qualité sanitaire des pâtes d’arachide vendues au Mali. »
Cette étude a porté sur l’analyse d’échantillons de pâtes d’arachide prélevées à Kita et à Bamako. Elle a montré que les pâtes d’arachides vendues sur le marché de Kita étaient fortement contaminées en aflatoxine B1 avec une moyenne de plus de 35 microgrammes par kilogramme (µg⁄kg). Une valeur deux fois supérieure à la norme codex. Cette norme recommande que la quantité d’aflatoxine dans l’arachide ne doit guère dépasser 15 µg⁄kg.
L’aflatoxine B1 est une substance très toxique qui provoque et aggrave le cancer. Elle provoque des dommages au niveau du foie, indique l’Organisation mondiale de la santé dans une fiche dédiée aux conséquences des aflatoxines.
« Lorsque les femmes enceintes consomment des aliments contaminés par l’aflatoxine B1, elles exposent leur bébé à diverses malformations physiques », a mis en garde Professeur Amadou Hamadoun Babana, spécialiste en microbiologie et biotechnologie microbienne à la Faculté des sciences et techniques de Bamako.
Les pâtes d’arachide produite dans l’usine de Kita inquiètent également. Les chercheurs ont aussi découvert que les échantillons prélevés dans l’usine de Kita contenaient plus d’aflatoxine que la norme Codex.
En revanche, les pâtes provenant des autres marchés de Bamako contenaient des doses normales d’aflatoxine, mis à part celles vendues sur le marché du quartier Badalabougou. « Nous avons aussi découvert que les échantillons provenant du marché de Sabalibougou étaient les meilleurs avec un contenu en aflatoxine très bas par rapport à la norme », souligne Dr Salimata Koné.
La cuisson élimine-t-elle l’aflatoxine dans la sauce arachide ?
Interrogé par JSTM, le professeur Moussa Tangara, expert en nutrition à l’Institut polytechnique rural de Katibougou, indique que la cuisson diminue le taux d’aflatoxine dans la sauce, mais ne l’élimine pas complètement.
« La cuisson à la vapeur détruit 73% à 75% de l’aflatoxine et la cuisson dans un excès d’eau détruit 81% à 83% », explique le nutritionniste Moussa Tangara, puis insiste-t-il, « le reste d’aflatoxine non neutralisée par la cuisson représente tout de même un danger pour les consommateurs. »
Comment prévenir la contamination par les aflatoxines ?
Les arachides sont parmi les produits agricoles les plus sensibles à la contamination par les aflatoxines. « Du fait des défaillances dans le contrôle de l’humidité et de la température, il faut être préventif, depuis la production de l’arachide jusqu’au stockage » explique le microbiologiste Hamadoun Babana.
Dans son étude consacrée aux « Bonnes pratiques agricoles pour réduire le risque de contamination par l’aflatoxine dans la production d’arachides au Mali », Pr Banana indique entre autres qu’avant de cultiver l’arachide, il est nécessaire de bien choisir la zone de plantation et ensuite, appliquer le calcium pour renforcer la formation des gousses. Et quand vient l’heure de la récolte, «il faut être prudent : éliminer les plantes mortes suite à des attaques par les insectes. Et séparer les lots d’arachides récoltés des zones irriguées de ceux récoltés des zones pluviales. »
Enfin, lors du séchage, explique le Pr Hamadoun Babana, mettez complètement la plante à l’envers dans le champ afin de mieux l’exposer au vent et au soleil.» Quand vient l’étape du stockage des gousses, « faites un tri : stocker seulement les gousses bien développées et sans perforations et éviter de remettre les graines dans de l’eau. Il est mieux de conserver l’arachide dans un endroit sec et bien aéré, avec une bonne couverture de plafond.»
Sira Niakaté | JSTM.ORG
Cet article a été édité et approuvé pour publication par Mardochée BOLI, Éditeur en chef du Journal Scientifique et Technique du Mali